UN VIADUC POUR L’AVENIR : 5ème ÉPISODE - du 17 mars 2017 (J+3012 après le vote négatif fondateur)
Cet épisode, le cinquième, de notre feuilleton Un viaduc pour l’avenir, sera le dernier a être directement inspiré de l’ouvrage de José Herbert, intitulé Signé la grande faucheuse paru en 2009 aux éditions ATRIA. Non sans exprimer publiquement à José Herbert notre profonde gratitude nous le quitterons donc aujourd’hui à la fin du présent épisode. Mais, c’est promis, notre feuilleton se poursuivra vaille que vaille, comme celui de la campagne !
La raison de ce tournant ? C’est que le texte de José Herbert prend dans les pages suivantes une tonalité macabre, ce que pouvait laisser supposer son titre !
Or notre but déclaré, n’est pas de faire pleurer dans les chaumières, mais plutôt d’y provoquer un rire de bon ton. Tant pis pour ceux qui aiment les discours tire-larmes, nous les renvoyons pour cela à l’actualité et aux tirades matamoresques de François saint et martyr balafré, le Saint Sébastien moderne de la bastos qui « ne baisse pas la tête devant les balles de [ses] adversaires » !
https://www.youtube.com/watch?v=RbKNIww3MwA
Revenons à présent à nos moutons. Nous avions conclu notre précédent épisode sur ces mots : « Remis de la frayeur du premier saut, Roméo, d’un air matois, supputait déjà les vertus bienfaisantes du caoutchouc. Il admirait ravi son élasticité stupéfiante et ses capacités de rebond propres à faire pâlir d’envie le plus roué des politiques. Tout cela le laissait rêveur, mais Roméo ne soupçonnait pas encore les vertus bienfaisantes du caoutchouc en matière de microéconomie domestique ! »
José Herbert poursuit :
« Roméo, en bon gestionnaire, dit à Juliette : rentrons, ce soir nous récolterons. La société des sauts à l’élastique œuvra jusqu’à dix-huit heures. Ce jour-là Roméo bouda le rendez-vous quotidien qu’il s’octroyait habituellement avec les copains au bistrot. »
Quel pouvait bien être le motif de cette dérogation inhabituelle, de cet accroc imprévu dans le train-train immuable de la vie du paisible retraité ?
Toujours est-il qu’un véritable regain d’énergie mettait en branle le couple à présent fébrile au fond de sa petite vallée.
« Avec Juliette, il courut à la chasse au trésor dans son petit jardin, muni d’un panier en osier, comme les cueilleurs de champignons, ou les ramasseurs d’œufs de Pâques, ne négligea point les dessous des laitues, la toiture de son cabanon dans lequel il rangeait ses outils et ce qu’il trouva le remplit d’aise »
Et que trouvèrent nos deux héros dans cette cueillette impromptue sous l’arche du grand viaduc dont le soleil, déjà déclinant à cette heure, projetait l’ombre grandissante sur le fond de la petite vallée ?
« Des pièces de monnaie, des billets de banque, peu en fait, car le léger souffle de vent emmenait ces délicats papillons vers des destinations plus éloignées, des clés, des briquets, des portefeuilles et leurs mystères, des chaussures, des sous-vêtements, des perruques, des dentiers, des montres […] »
Cette manne tombée du ciel ravissait notre Roméo sans altérer pour autant le souci de probité qu’il portait chevillé au corps :
« Bien sûr, le vieil homme honnête, rendait les objets quand leurs propriétaires […]
descendaient la pente [pour demander] poliment si par hasard la petite culotte, la perruque ou le portefeuille, n’avaient point atterri dans les choux du jardin de l’heureux propriétaire. Roméo, avec diplomatie, faisait comprendre qu’une petite pièce serait la bienvenue en échange de la restitution de l’objet perdu et se faisait ainsi pendant la saison touristique, une petite fortune […] »
Toute peine mérite salaire bien entendu. Et c’est en authentique caddie des anges volants du latex que Roméo gagnait sa brioche du dessert à la sueur de son front. Les retombées en matière d’emploi, ainsi que leur caractère novateur, dépassaient donc toutes les prévisions et toutes les espérances ! Et du coup :
« [Roméo] se dit qu’après tout le viaduc avait du bon et qu’il avait eu tort de manifester contre sa construction. Pour rien au monde, il n’aurait maintenant donné sa place […] »
Voilà une bonne leçon d’optimisme et d’adaptabilité au nouveau marché, à destination de tous les grincheux conservateurs qui pleurent les marchés aux choux-fleurs et le temps du fil à couper le beurre chez la crémière du coin dans son petit magasin. Comme quoi, par les temps qui courent, en matière de développement, il est encore possible d’avoir le beurre et l’argent du beurre : à la fois réaliser l’équipement et combler les mécontents !
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 17 mars 2017 (J+3012 après le vote négatif fondateur)
Publié dans Feuilleton 6