CONVERSATIONS AVEC PHILOMÈNE (5) - du 03 Août 2016 (J+2786 après le vote négatif fondateur)
Résumé des précédents épisodes : Intriguée par l’intérêt soudain porté par le premier magistrat d’Auxonne à Villers-lès-pots et à son maire, Philomène, la sainte de Villers décide de se rendre dans la cité napoléonienne. Au cours d’un long entretien avec notre correspondant Jean-Marie Vianney, Philomène lui fait part de son intention de créer son entreprise pour relancer la vente des statuettes à son effigie. Le projet prend forme puis se concrétise, mais le sort habituel des statuettes, rapporté par la tradition, ne cesse de susciter chez Philomène de sombres inquiétudes sur l’avenir de sa main droite. Une poignée de main échangée lors de l’inauguration du projet réalisé viendra confirmer ses craintes.
Le présent épisode se déroule dans l’infirmerie de l’entreprise PHILOMÉNAL du Groupe Sainte-Russule. Au mur, un portrait du martyre de saint Sébastien.
Jean-Marie : « Eh bien, dites donc, il ne vous a pas loupée !»
Philomène : « À vrai dire, je m’y attendais, mais quand ça vous tombe dessus, ça surprend quand même ! Aïe, aïe, aïe ! Me voilà complètement et définitivement HS !»
Jean-Marie : « HS, n’exagérons rien ! Tôt ou tard, vous verrez, on reviendra vous serrer très mollement la main, pensant que vous êtes remise de l’incident, et solliciter de nouveau et très gentiment vos services. Patronne et conceptrice du projet PHILOMÉNAL, c’est une référence qui compte !»
Philomène : « Référence ! Référence ! Vous me la baillez belle, Jean-Marie, avec vos références. De nos jours, ce ne sont plus les références qui comptent, ce sont les copinages et les ambitions !»
Jean-Marie : « Je vous sens désabusée Philomène. Votre expérience de martyre ne vous a-t-elle donc pas définitivement prémunie contre les petites misères et les déceptions de cette vie ? »
Philomène : « Sachez Jean-Marie que lorsqu’on vous conduit au martyre, une chose au moins est sûre et il arrive que cette certitude vous galvanise et vous rassure !»
Jean-Marie : « Ce n’est pas toujours aussi sûr ! Tenez Dostoïevski, le 22 décembre 1849, on le conduisit avec ses camarades sur la Place Semenovski jusqu’aux poteaux d’exécution, on fit rouler les tambours, avant de leur annoncer la grâce et la peine de mort commuée en déportation en Sibérie ! »
Philomène : « D’accord, mais le Tsar Nicolas Ier était un tyran compliqué, secret et retors. Chez les Romains qui n’avaient pas l’âme slave, c’était plus clair ! Là au moins, chez les Romains, vous ne risquiez pas d’échapper au martyre et de vous retrouver reléguée au congélateur ! »
Jean-Marie : « Oublions, Philomène, toutes ces horreurs et ces coups tordus ! Dieu soit loué, nous sommes à présent en démocratie ! »
Philomène : « Démocratie ! Des mots ! Paroles, paroles, paroles ! Démocratie ! Il n’y a plus de parole et le Prince est toujours le Prince ! Hors de sa cour, point de salut !»
Jean-Marie : « Quel pessimisme Philomène ! Auriez-vous cessé d’espérer ? »
Philomène : « Non, mon âme est en paix. Mon projet PHILOMÉNAL est réalisé, il sera là, le moment venu, pour témoigner de mon passage ! »
Jean-Marie : « À la bonne heure, vous voilà rassurée ! Sachez, que sans ce contretemps imprévisible autant que désagréable survenu juste au moment d’accueillir votre œuvre, tout aurait été parfait ! »
Philomène : « Pour être désagréable, il l’aura été ce contretemps, et je ne suis pas près de l’oublier. Et maintenant, je vais vous faire une confidence : à la réflexion, il me semble bien qu’il n’était pas si imprévisible que vous croyez, ce contretemps, et je vais vous dire pourquoi. Il y a tout juste deux ans de cela j’avais déjà eu à affronter une poignée de main plutôt brusque et assez peu chevaleresque. Alors, je saisis à présent, comme le dit si bien Victor Hugo que « déjà Napoléon perçait sous Bonaparte » »
Jean-Marie : « Permettez-moi de vous rappeler encore une fois que mon homonyme n’aimait guère les marches impériales. Enrôlé en 1809 dans l’armée de l’Empereur pour la guerre d’Espagne, il finit par déserter ! »
CONVERSATIONS AVEC PHILOMÈNE (2) - du 24 JUILLET 2016
Philomène : « Votre homonyme, avec tout le respect que je lui dois, s’il avait mieux su son latin, il n’aurait pas été enrôlé, et n’aurait pas eu la peine de déserter ! »
Jean-Marie : « Philomène, ce ton professoral, comme il manque de charité. Je sens que cette dureté surprenante cache quelque part dans votre cœur une sympathie secrète pour le Petit Caporal. Avouez ! Vous ne pouvez le nier ! »
Philomène : « Et aussi, je le confesse, un béguin pour son petit chapeau. Pour être une sainte, on n’en a pas moins ses faiblesses. Hélas ! Pour l’instant le glorieux bibi est toujours sous le boisseau. Et comme aurait dit la Mamma Letizia : ié crains qué ça doure !»
Jean-Marie : « Les faiblesses d’une blessée sont choses naturelles et ces craintes vous honorent. »
Philomène : « Merci Jean-Marie, la surprise douloureuse de la blessure passera, mais sachez bien que je garderai pour toujours ma compassion pour tous les éclopés de la Grande Armée et leurs chers souvenirs oubliés. »
La douleur de Philomène s’apaisait déjà, son visage juvénile reprit de belles couleurs, elle plissa même un œil malin, de sa seule main gauche valide elle sortit de son giron la page glacée et pliée en quatre de « Côte-d’Or magazine » N° 163 de juillet-août 2016, la déplia maladroitement et se mit à lire à haute voix en y mettant le ton du conteur :
« Dans l’une des tours du château, Auxonne conserve précieusement et fièrement […] le chapeau du célèbre Corse. De quoi exciter l’imagination sur le chemin du retour. »
Jean-Marie : « Comme aurait dit le « célèbre Corse » : « Se non è veru è bè truvatu » ! Son chapeau, et sous le chapeau, peut-être aussi le cerveau ? »
Philomène : « En attendant, bonnes vacances Jean-Marie. Et n’oubliez pas : « Sous les pavés, la plage ! » »
FIN
Bonne fête aux Lydie et surtout, bon anniversaire à une personne qui m’est chère !
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 03 août 2016 (J+2786 après le vote négatif fondateur)
Publié dans Feuilleton 5