MARINETTI MONTE EN AVION : ÉPISODE N° 0 - du 15 JUILLET 2015 (J+2401 après le vote négatif fondateur)
Nos lecteurs/trices ont beaucoup apprécié notre intermède artistico-critique. Nombre d’entre eux/elles, curieux/ses nous ont même demandé d’en dire plus sur Marinetti et de lui consacrer la place qu’il méritait. Tâche complexe, car l’œuvre du maestro est vaste, multiforme et souvent déconcertante.
N’étant pas de ceux qui se dérobent, nous avons néanmoins tenté de relever le défi en dévoilant une des mille facettes du maître : son volet aérien. Car le maître aime planer dans l’azur. Dédaignant, comme son contemporain Gabriele d’Annunzio, l’aviateur de Fiume, les plébéiens tramways et autres locomotives vapotantes et poussives, il privilégie l’aéroplane, vecteur aérien éminemment aristocratique. Les charters et autres low-cost démocratiques ne sont pas encore advenus, l’air appartient encore aux barons et aux dandies.
C’est ce que tentera de démontrer notre petit film-feuilleton inédit en 5 épisodes, « Marinetti monte en avion », au fil de quelques jours de ce bel été.
Mais auparavant, nous évoquerons en les survolant, quelques jalons aériens dans l’œuvre et la carrière du maestro. L’ouvrage monumental Marinetti et le futurisme, coordonné par Giovanni Lista (L’Âge d’Homme, 1977) nous aura guidé dans cette recherche. À remarquer que Marinetti qui avait fait ses études secondaires en France, maîtrisait parfaitement le français, langue dans laquelle il a beaucoup écrit. Précisons aussi que « Marinetti monte en avion » nous a été inspiré par la « Petite chanson aéropicturale et futuriste » de Ralph Soupault, publiée dans Comoedia en 1931 au sujet du Manifeste de l’Aéropeinture futuriste.
Avant de lancer en 1931 ce Manifeste de l’Aéropeinture futuriste, Marinetti avait lancé en 1929 le Manifeste de l’Aéropoésie, manifeste dont les théories trouveront leur somptueuse illustration dans L’Aéropoème du Golfe de La Spezia.
Mais dès 1911, lors du raid aérien Paris-Rome-Turin remporté par le français Beaumont, il avait manifesté son intérêt pour l’aviation. À cette occasion, le survol de la place Saint-Pierre par le monoplan de Beaumont lui avait inspiré un poème : Le Monoplan du Pape, violent pamphlet anticlérical qui ferait blêmir Charlie et ses épigones.
Épigones ! Non, pas Antigone grand-père ! Le faucheur fauche des épis et pas des antis, même si c’est pas l’envie qui lui en manque ! Il les faucherait bien tous à la mitrailleuse : taratatatata…. taratatatata….tarare. Ce petit intermède n’est pas de Marinetti mais de Claudi !!
En mai 1912 dans son Manifeste technique de la littérature futuriste, il écrit : « les intuitions profondes de la vie juxtaposées mot à mot, suivant leur naissance illogique nous donneront les lignes générales d’une psychologie intuitive de la matière. Elle s’est révélée à mon esprit du haut d’un aéroplane. En regardant les objets d’un nouveau point de vue, non plus de face ou de dos, mais à pic, c’est-à-dire en raccourci, j’ai pu rompre les vieilles entraves logiques et les fils à plomb de l’antique compréhension ». Et plus loin, il ajoute : « À quoi bon se servir de quatre roues exaspérées qui s’ennuient, du moment qu’on peut se détacher du sol ? Délivrance des mots, ailes planantes de l’imagination, synthèse analogique de la terre embrassée d’un seul regard… »
En décembre 1916, une de ses planches « motlibristes » est publiée avec le sous-titre «Gloire à l’Italien Guido Guidi qui, sur un aéroplane italien a battu le record d’altitude (7950 m) ». Ce document marque, de façon décisive, l’évolution de la recherche motlibriste marinettienne vers la composition dessinée. Le motlibrisme marquera durablement les arts graphiques des avant-gardes du temps.
Dans le N° 9 de son journal « Le futurisme Revue synthétique illustrée », tiré à 50 000 exemplaires et daté du 11 janvier 1924, il écrit : « Hier l’aviateur futuriste milanais Keller lançait un pot de chambre sur le Parlement de Nitti, puis allait se balancer, comme une fleur, sur l’antenne T.S.F., tige qui vibre de son exploit télégraphié. Aujourd’hui 300 aéroplanes futuristes narguent de très haut la coupole de Saint-Pierre ! Ce ballon démodé, ce ventre stérile, quand donc deviendra-t-il un beau divan à ressorts pour nos aéroplanes réunis dans notre futur congrès aérien, mes chers futuristes du monde entier ? »
Ces quelques loopings marinettiens au-dessus de la vieille Europe à titre d’entraînement et de prélude au raid en 5 épisodes que nous entamerons dès demain avec le maestro !
Et si par hasard mon prologue vous avait ennuyé, je m’en excuse ! Il faut savoir élargir son champ de vision, arrêter de jouer du pipeau en faisant des ronds de jambe, et porter son regard vers l’horizon libéré, au-delà de nos ronds points !