LE PLANTEUR DU CHARMOY - du 29 mai 2014 (J+1989 après le vote négatif fondateur)
Comme nous l’avons relaté dans notre précédent article, le « canotier-puits » Montrésor ® devrait être la coqueluche de l’été qui vient. Après cette annonce, on ne va pas manquer de nous accuser injustement de travailler du chapeau, mais que nos détracteurs se rassurent, nous nous passons fort bien de leurs coups de chapeau !
Chacun sait que l’image de notre ville, si elle est encore assez fréquemment associée à un bulbe comestible, l’est aussi à un chapeau, celui de Napoléon précisément. C’est donc la légende napoléonienne, dans certains de ses aspects parfois méconnus, qui nous inspirera aujourd’hui.
Quand il embarqua à bord du Bellérophon, à destination de la prison insulaire que l’Anglais lui avait destinée, l’Empereur était entouré de fidèles. Parmi eux, se trouvait le mamelouk Ali ; ce « mamelouk » était en fait un Français nommé Louis-Étienne Saint-Denis qui tenait les fonctions de second valet de chambre de l’Empereur. Dans ses Souvenirs, Saint-Denis parle d’un « chapeau de paille à large bord, garni d’un petit ruban noir » que portait l’Empereur « quand il travaillait dans ses jardins » (Cf. André Castelot, Grande histoire illustrée de Napoléon p. 1096). Une anecdote rapportée par Las Cases est illustrée par une lithographie. L’image représente l’Empereur coiffé d’un chapeau de paille, écoutant la plainte d’un esclave indien-malais. Le malheureux se plaint d’avoir été enlevé par un équipage anglais et vendu à Sainte-Hélène (Ibid. p. 1088). Las Cases écrit à ce propos : « nous fûmes indignés au récit d’un tel forfait ; et à peu de jours de là l’Empereur pensa l’acheter pour le faire reconduire dans son pays » (Ibid. p. 1088). Cette version « planteur » du couvre-chef impérial est beaucoup moins connue que le sobre et légendaire bicorne, elle est néanmoins mentionnée par Berthold Brecht qui parle d’un « curieux portrait de Napoléon à Sainte-Hélène où Napoléon, le teint jaune, a l’air d’un planteur hollandais avec chapeau de paille » et Maurice Barrès, qui fait du captif de Longwood « un terrible roi Lear, obèse, avec un grand chapeau de planteur » (Cf . Christine Bénardeau, Napoléon dans la littérature).
Les souvenirs de Louis Marchand, premier valet de chambre de l’Empereur, nous apprennent aussi la présence, à Sainte-Hélène, d’« un chêne de l’Empereur » : « l’Empereur, s’il ne déjeunait pas dans son intérieur, demandait qu’on le servît sous son chêne qui, par l’arrangement naturel de ses branches, faisait un ombrage au-dessus de lui » (Ibid. p. 1323). À noter que sous le climat équatorial, les chênes ressemblent plus à des pommiers qu’aux géants de nos forêts et que le « chêne de l’Empereur » de Sainte-Hélène devait être moins majestueux que notre « Chêne Napoléon » de La Cour.
Cette petite flânerie sans prétention au long des mémoires et souvenirs, la rencontre d’un chapeau, puis d’un chêne, nous amènent, mine de rien, à faire le lien entre Auxonne et Sainte-Hélène. Sainte-Hélène fut la tombe de Napoléon-Empereur et Auxonne le berceau des ambitions d’un jeune Bonaparte « en pleine période d’incubation et de transformation » (Cf . Th. Iung, Bonaparte et son temps). Avec un peu d’imagination, on pourrait presque tenter d’établir une correspondance géographique des lieux, la Saône serait l’Atlantique, le Port Royal, Jamestown, port et chef-lieu de Sainte-Hélène et le Charmoy, sur les hauteurs…. Longwood, la résidence surveillée de l’Empereur !
Le Charmoy, voilà un Longwood plus accessible que le vrai, propre à attirer le touriste britannique ! Reste à reconstituer là-haut la « maison du planteur » et surtout à dégotter un authentique « chapeau du planteur » à mettre en vitrine, quant aux chênes nous n’en manquons pas, on les traitera en bonsaï. Et Hudson Lowe, le geôlier, qui sera Hudson Lowe ? On le trouvera bien sur place !
Voilà enfin un usage alternatif et original du Charmoy qui « se démarquerait » de l’avenir qu’on lui promet jusqu’à présent : celui de rejoindre la banalité et la laideur consternantes des « non-lieux » que sont les paysages périurbains de la France défigurée. Tout à l’opposé, serait la reconstitution, à la sortie de notre ville, du jardin de l’Empereur à Sainte-Hélène, celui- là même où il finit ces jours ; et tout cela à une demi-lieue de l’École royale d’Artillerie où il fit ses premières armes ! Un circuit Napoléon inédit et en raccourci contre un banal circuit de caddies ! Voilà une offre qui « se démarque » !
Cette réalisation révèlerait en outre une facette attachante, et plutôt méconnue de l’Empereur, susceptible d’attirer une clientèle nouvelle et « alternative » assez peu friande de conquêtes, d’ordres du jour de la Grande Armée, et de roulements de tambour. L’anecdote de l’esclave, sans dédouaner Napoléon de ses décisions antiabolitionnistes, apporte une note d’humanité capable de susciter quelques réconciliations d’humanistes pointilleux avec « l’Ogre ». L’engouement de l’Empereur pour le jardinage dans sa retraite forcée séduira encore de paisibles retraités amateurs de jardins, et réconciliera du même coup la vocation maraîchère de notre ville et son passé napoléonien. Dans un article du 23 courant, intitulé « Jardiner et soigner, redonner sa place au jardin », Le Bien Public ne vantait-il pas récemment les vertus thérapeutiques du jardin mises en œuvre dans notre ville ? L’Empereur, lui-même, dont le grand chapeau couvrait un grand cerveau, avait bien compris, à son usage, la valeur de ce remède naturel !
Son chapeau de planteur, alternative claire et agreste au sombre bicorne guerrier, est donc bien digne d’enrichir la nouvelle vocation chapelière de notre cité. Après le lancement du « canotier-puits » Montrésor ®, le marché du couvre-chef pourrait découvrir d’un nouvel article promis à un succès certain : Le Planteur du Charmoy ®. Un coup de chapeau d’avance à cette « offre innovante » ! Claudi a déjà réalisé un projet d’affiche pour le lancement et l’on pourrait peut-être inciter nos édiles à en lancer la mode !
Une petite remarque pour terminer : dans la rubrique historique de la dernière page « Zoom » d’Inf’Auxonne, il nous semble qu’un haut-lieu (au sens propre d’altitude) de notre ville a été jusqu’à présent injustement oublié : il s’agit, bien entendu, du Charmoy. Nous autorisons par avance le rédacteur d’Inf’Auxonne à puiser largement dans notre blog, véritable « puits du Charmoy », s’il souhaite réparer cet oubli !
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 29 mai 2014 (J+1989 après le vote négatif fondateur)