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18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 00:00

 

STRATÉGIES ÉPISTOLAIRES (N°4)- du 18 août 2013 (J+1705 après le vote négatif fondateur)

    L’actualité des décisions du Conseil d’État ainsi que l’annonce d’une enquête publique nous avaient conduit à interrompre derechef notre série « Stratégies épistolaires » consacrée aux courriers peu amènes reçus par notre rédaction. Nous bouclons aujourd’hui notre cycle avec le quatrième et dernier volet prévu :

Stratégies épistolaires (N°4)                                                 

                                                              

                                                                                                    Auxonne, le 14 août 2013

Chère lectrice, Cher lecteur,

        Avant que d’entamer l’austère sujet de cette lettre, je vous dois des excuses pour vous imposer une telle lecture dans un temps de farniente où le sable doré des plages remplace normalement l’affreux sable gris du sablier des plannings et des programmes qui rythment vos vies laborieuses. Que vous soyez en vacances à Bora-Bora ou à Bécon-les-Bruyères je vous souhaite quand même bonne lecture !

      Pour ne pas écorner le temps précieux de votre farniente, je dirai pour résumer que la Lettre N°2, publiée dans un précédent article, est un immense quiproquo. Pour rester dans le ton de l’article, nous pourrions même dire qu’il s’agit d’un quiproquo mortel. Un quiproquo du genre de celui que Victor Hugo évoque à propos de Napoléon à Waterloo en ces termes dans son poème L’expiation : « Soudain, joyeux, il dit : Grouchy ! c’était Blücher / L’espoir changea de camp, le combat changea d’âme… »

    Quiproquo relativement à son destinataire d’abord,  et plus grave encore sans doute, quiproquo historique relativement à l’œuvre et à la pensée du Général Carl Von Clausewitz assimilées de fait à celles de Ludendorff.

   Maintenant, si Bora-Bora vous déçoit ou si Bécon-les-Bruyères vous ennuie, et seulement à cette condition vous pouvez toujours continuer la lecture. Avouons-le,  le Général Carl Von Clausewitz s’il est un homme fort respectable, n’est sans doute pas le meilleur compagnon de vacances,  même s’il est digne de figurer dans le « Guide du routard des campagnes napoléoniennes » qui, à notre connaissance, reste à écrire.

    Démontrons à présent le caractère évident des quiproquo dont le Général Carl Von Clausewitz et votre serviteur furent victimes.  

 Quiproquo relativement au destinataire

  L’en-tête de la Lettre N°2  fait référence à une « affaire » :

 « AFFAIRE SODELDIS  /  ASSOCIATION COMMERCANTS-AUXONNE » N° 120069 FXM/CDP ».

     Je suis ravi d’apprendre qu’il y a une « affaire » entre la Société SODELDIS et l’Union commerciale d’Auxonne. Mais, outre que j’ignore quel est l’objet de cette « affaire », je ne vois pas en quoi elle pourrait me concerner, compte tenu du fait que je ne suis pas membre de l’Union commerciale d’Auxonne. 

      Il est vrai, que différant en cela de certaines personnes, je ne cache pas mes sympathies pour cette association dont la tâche n’est pas toujours facile dans le contexte local actuel ou récent.

   Que je sache, cette sympathie ne constitue pas encore un crime « d’intelligence avec l’ennemi » ! Ou alors, après l’affaire Dreyfus, verra-t-on une « affaire » Chantecler?

 Quiproquo historique relativement aux théories du Général Carl Von Clausewitz.

La Lettre N°2 incrimine en ces termes précis le rédacteur de Chantecler :

« Votre article « L’OR DU BIEF PEROU » du 12 octobre 2010 assimile Monsieur QUINONERO au Général Clausewitz, théoricien de la « guerre totale ».

Cette comparaison saugrenue est injurieuse compte tenu des théorie [sic] développées par le Général Clausewitz »

L’auteur de la lettre qualifie le Général Clausewitz de « théoricien de la « guerre totale ». Cette appréciation est hâtive et sans fondement sérieux.

Le Général Clausewitz  n’est pas le théoricien de la « guerre totale ». Le concept de « guerre totale » est une création de Ludendorff qui fut l’auteur d’un ouvrage éponyme (Erich Ludendorff, La guerre totale, Paris, Flammarion, 1937) ouvrage dans lequel Clausewitz est d’ailleurs critiqué sans ménagement : « Toutes les théories de Clausewitz sont à remplacer. La guerre et la politique servent la conservation du peuple, mais la guerre reste la suprême expression de volonté de la vie raciale. C’est pourquoi la politique doit servir la guerre. » (p. 14)

Dans son introductionà l’ouvrage de Clausewitz De la guerre, Paris, Editions Minuit, 1992, Pierre Naville jugera l’interprétation de Clausewitz par Ludendorff  en ces termes : « Ludendorff croit dépasser Clausewitz alors qu’il le mutile. Il transforme le concept de la guerre absolue en la réalité de la guerre « totale », c’est-à-dire d’une guerre à laquelle le peuple et toute la vie sociale du pays doivent être étroitement enchaînés, au lieu de la soutenir. […] C’est dans ce sens barbare que Ludendorff tenta de réviser Clausewitz ».

   Jaurès lui-même, peu suspect de bellicisme, dans son ouvrage L’armée nouvelle, Paris, Editions sociales, 1977 (première édition novembre 1910), souligna en termes élogieux le caractère fécond, et tout autre que dogmatique de la pensée de Clausewitz (p. 75 à 77):

    « Le capitaine Gilbert et ses disciples français ne l’étudient point [l’époque napoléonienne] avec la largeur d’esprit et « l’objectivité » de celui des théoriciens allemands qu’ils admirent le plus, de Clausewitz. […] il est singulier que la nouvelle école française de l’offensive […], au moment même où elle invoque Clausewitz, ne retienne qu’une partie de ses formules. L’effort du théoricien allemand n’est pas d’imposer aux esprits un plan tout fait, mais de dégager de la complexité des faits des règles d’action qui permettent d’obtenir, dans une hypothèse donnée, le plus grand effet possible. Autant il met en lumière l’efficacité de l’offensive et les moyens de la porter au maximum, autant il s’élève contre le parti pris théorique et abstrait de l’offensive […] Clausewitz insiste sur ce qu’a eu d’essentiellement défensif la grande guerre menée en Allemagne en 1813, par les alliés [contre Napoléon] et qui aboutit pour l’empereur au désastre de Leipzig. Il ne s’agit pas d’une défensive morne et résignée, mais d’une défensive ardente, toute prête à se tourner en offensive. Si je dégage bien de ces complications la pensée de Clausewitz, ce qui donne un caractère défensif à l’action des alliés [contre Napoléon] dans la guerre de 1813 en Allemagne, c’est d’abord que toutes les  forces morales du peuple sont mises en jeu [et plus loin] C’est la glorification de la défensive nationale »

 

      Il serait donc profondément injuste de confondre Clausewitz et Ludendorff en attribuant au premier la paternité d’un concept prôné par le second. Au surplus, la personnalité de Clausewitz révèle une finesse intellectuelle et un humour qui transparaissent clairement dans la préface de son grand ouvrage posthume De la guerre  et que la citation suivante suffira à confirmer :

   « Peut-être n’est-il pas impossible d’élaborer une théorie systématique de la guerre, riche d’idées et de grande portée, mais celles dont nous disposons jusqu’à présent en sont fort éloignées. Sans parler de l’esprit non scientifique qui y préside, elles ne sont qu’un tissu de banalités, de lieux-communs et de radotages tout en prétendant être cohérentes et complètes. On s’en fera une bonne idée en lisant l’extrait d’un règlement en cas d’incendie composé par Lichtenberg [Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799), humoriste allemand auteur du fameux « couteau sans lame, auquel manque le manche N.D.L.R.]

« Quand une maison brûle il faut avant tout chercher à protéger le mur de droite de la maison de gauche et le mur de gauche de la maison de droite ; car si l’on voulait par exemple protéger le mur de gauche de la maison de gauche, le mur de droite de la maison se trouverait à droite du mur de gauche, et comme le feu est à droite de ce mur-là et du mur de droite (car nous avons supposé que la maison est située à gauche de l’incendie) le mur de droite sera plus près du feu que celui de gauche et le mur de droite de la maison pourrait être détruit par le feu s’il n’était protégé avant que le feu atteigne le mur de gauche, qui est protégé ; par conséquent quelque chose de non protégé pourrait être détruit, et détruit plus vite qu’autre chose, même si on ne le protégeait pas ; par conséquent il faut abandonner cela et protéger ceci. Pour se représenter la chose, notons encore : si la maison est à droite de l’incendie, c’est le mur de gauche, si la maison est à gauche, c’est le mur de droite ».

 

   Si l’on peut être assuré d’une chose, c’est l’impossibilité parfaite de trouver de telles références dans la prose de Ludendorff, tâcheron obstiné et sans fantaisie d’une hyper-guerre industrielle et machinique ( Liddle Hart dans son ouvrage Réputations qualifiait Ludendorff de « Napoléon-machine ») autant qu’inhumaine.

   De cette analyse, trop brève sans doute, il ressort que Clausewitz ne peut être assimilé à un belliciste borné et infréquentablede surcroît « théoricien de la « guerre totale » », et qu’il est au contraire un penseur distingué, au surplus non dépourvu d’humour. Assimiler quiconque à Clausewitz ne semble donc pas être, dans ces conditions, objectivement injurieux.

   Afin de rendre justice à la pensée stratégique de Clausewitz, et dans un souci de vérité historique, la rédaction de Chantecler diffuse dès aujourd’hui une fiche-test à destination du public.

 Test 1

        Resterait à examiner le caractère prétendument « saugrenu » de notre assimilation.  Le contexte dans lequel elle s’opère mérite, dans ce but, un examen attentif préalable. Si, de cet examen, il ressort que l’assimilation apparaît clairement en rapport avec le contexte, alors le caractère « saugrenu » ne pourra plus être invoqué. Or, notre assimilation, lors de son première occurrence sur notre blog dans Chantecler N°1 du 18 juin 2010, faisait  explicitement référence à une surprenante déclaration du « plaignant » rapportée dans la presse locale et que voici :        

       « Faire un hypermarché sur sa commune, c’est partir au feu » (Propos rapportés dans un articledu Bien Public du 12/10/09 intitulé « Leclerc : le dossier sera porté plus haut »)

 Force est de constater, que dans un tel contexte, si martial et tout imprégné de l’odeur de la poudre, l’assimilation ne peut plus être qualifiée de saugrenue, en tout cas pas plus que la déclaration dans le style « va-t-en-guerre » que nous rapportons ici ! « Partir au feu » est, par essence, une activité à risques !

C. S. Rédacteur de Chantecler,

Auxonne, le 18 août 2013  (J+1705 après le vote négatif fondateur)

 

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Publié par Cl.S., Auxonnais - dans Courrier des lecteurs