La Saône prend sa source au Mont-Rivel - du 12 juin 2012
(J + 147 depuis la CNAC)
Les investigations diverses que nous conduisons depuis de nombreux mois en vue d’alimenter et d’argumenter la rédaction de Chantecler nous ont conduit récemment à découvrir le cas de Champagnole, petite ville d’environ 8500 habitants située à 70 km à vol d’oiseau au sud-ouest d’Auxonne dans le département du Jura. Notre intention n’est pas, sur un mode touristique de vanter et de comparer les mérites respectifs de la « Perle du Jura » et de la « Capitale du Val de Saône » mais de suivre en parallèle l’évolution de deux projets d’Hyper LECLERC actuellement en cours dans les deux villes.
Nos lecteurs assidus connaissent déjà, nous le supposons le cas de figure auxonnais, mais, comme il est probable que des Champagnolais nous liront, nous en rappellerons d’abord les grandes lignes.
VERSION AUXONNAISE
Il était une fois, assoupie aux rives de la Saône, une ville du beau nom d’Auxonne. Depuis l’avènement du siècle neuf, diverses fées de la grande distribution couvaient des yeux la « belle endormie ». Ainsi commence l’histoire. Passons aux faits, maintenant :
Le 17 décembre 2008, le conseil municipal d’Auxonne, consulté, répond NON à la question : « Etes-vous favorable à l’implantation d’une grande surface supérieure à 1000 m2 à dominante alimentaire sur la zone du Charmoy ? » (procès-verbal page 25).
Dans les premiers mois de l’année suivante 2009, la municipalité, avec un sens de la cohérence qui lui est propre, orchestre en toute discrétion une prospection foncière très active du Groupe LECLERC dans la zone du Charmoy, tenant prudemment à l’écart la Communauté de Communes, dont le président n’est pas le maire d’Auxonne.
Le printemps arrive enfin et la bonne nouvelle avec, clamée à cors et à cris, celle de l’installation prochaine d’un Hyper et d’un Brico LECLERC (total 9000 m²) sur la zone du Charmoy. Remous divers.
La CDAC dit non le 7 octobre 2009, à la suite de quoi le recours en CNAC est refusé le 20 janvier 2010. Comme par hasard, le 18 janvier 2010, déclaration à la préfecture de la Côte-d’Or de l’association AUXONNE AVENIR CONSOMMATEURS (AAC). Objet : expression, représentation et défense des intérêts des consommateurs d’Auxonne et des communes environnantes.
Le 27 juin 2010, à la suite d’une décision à l’unanimité du conseil municipal du 15 avril 2010 se tient une consultation sur la question : « Etes-vous favorable OUI ou NON au projet d’implantation d’une zone commerciale sur le site du Charmoy ? ».
Lors de la campagne préalable à cette consultation, la majorité municipale appuyée sur des associations, dont la toute jeune AAC, défend le OUI. Hormis quelques distributions de tracts sporadiques, aucun groupe ou association adverse ne défend officiellement le NON. En contrepartie, un matériel d’affichage sauvage imprimé à LURE, consistant en plusieurs centaines d’affiches jaune-fluo clamant le OUI de façon criarde, envahit les murs de la ville et des environs. En réaction à cette situation, paraît Chantecler n°1 le 18 juin.
Comme on pouvait s’y attendre, le OUI triomphe à près de 80 %. Triomphe relatif, puisqu’en raison d’une abstention de près des 2/3, moins d’un inscrit sur 3 aura dit OUI.
Forts de ce résultat, les partisans de LECLERC relancent un projet revu à la baisse (4000 m²), sans Brico LECLERC cette fois. Le nouveau projet est refusé en CDAC le 8 mars 2011 en pleine campagne des cantonales, d’ailleurs largement alimentée par l’affaire.
Plus de neuf mois s’écoulent avant qu’un recours ne soit présenté en CNAC le 21 décembre 2011 aboutissant d’abord à un « sursis à statuer » pour le projet Leclerc. Le 17 janvier 2012 enfin, après 2 CDAC et 2 CNAC, le recours est accepté. On attend à ce jour le dépôt du permis de construire. La suite au prochain épisode…
Nos lecteurs auxonnais nous pardonneront cette révision forcée, un peu de bachotage, ça ne peut pas faire de mal !
Loin du Mont-Rivel, il me sera un peu plus difficile d’évoquer le cas de Champagnole où LECLERC apparaît dans un contexte général beaucoup plus complexe et différent à bien des titres de celui d’Auxonne.
VERSION CHAMPAGNOLAISE
Le 3 mars 2010, en Conseil de Communauté, Monsieur Clément PERNOT, Maire de Champagnole et Président de la communauté de Communes Ain-Anguillon-Malvaux ( devenue ensuite « Champagnole Porte du Haut-Jura ») « précise que la Société Leclerc a engagé des discussions avec la Commune de Champagnole ». (PV Comcom du 03-03-10 page 12).
Notons une première différence majeure avec Auxonne, où le maire, selon ses propres dires « a préféré faire cavalier seul » sans la communauté de communes dont il n’est pas le président (Le Bien Public du 8 avril 2009).
Le Conseil Municipal de Champagnole, réuni le 20 mai 2010, émet un avis favorable au projet d’implantation de l'enseigne E. LECLERC et, simultanément, à deux autres projets : transfert et extension de l'enseigne SUPER U, extension de l'enseigne INTERMARCHE (PV comcom du 27-05-10 pages 2 et 3)
Lors de sa séance du 1er juillet 2010, le Conseil de Communauté suit le même avis.
Notons à présent deux autres différences avec Auxonne, d’une part l’absence d’ambiguïté du vote du conseil municipal, d’autre part la multiplicité des projets concernant trois enseignes dont deux déjà présentes à Champagnole : SUPER U et INTERMARCHE
La lecture des décisions, toutes favorables, de la CDAC du 06 août 2010, nous apprend même l’existence de 4 projets ; aux trois projets mentionnés précédemment, il convient, en effet, d’ajouter celui de la SARL « Porte du Haut-Jura » consistant en un « ensemble commercial composé de six cellules, d’une surface de vente totale de 4000 m² ». Ce projet qui ne semble pas porté par les élus est d’émanation locale puisqu’il est le seul à ne pas faire l’objet d’un recours contraire de la part l’A.C.S.C. (Association du Commerce et des Services de Champagnole).
Le 6 août 2010 les 4 projets sont acceptés par la CDAC du Jura.
A partir de là les différents projets vont faire l’objet de recours auprès de la CNAC, recours qui seront tous rejetés par la CNAC du 13 janvier 2011 qui émettra un avis favorable pour l’ensemble des 4 projets.
Les opposants ayant déposé des recours sont au nombre de six : une association de consommateurs « Collectif Consomm’acteurs », une association de protection de la nature « J.N.E. (Jura Nature Environnement) », une association artisanale et commerciale « A.C.S.C. (Association du Commerce et des Services de Champagnole), 3 enseignes : Intermarché, Super U, Casino.
Notons que le projet LECLERC a été le seul à affronter les recours de l’ensemble des six opposants.
Encore une différence avec Auxonne où les CDAC d’emblée négatives n’ont pas déterminé de recours d’opposants, mais toujours celui du demandeur.
A partir du 13 janvier 2011 on entre dans une phase d’attente analogue à celle qui commencera un an plus tard à Auxonne le 17 janvier 2012.
Diverses actions « paysannes » ont été menées depuis lors sur le terrain jurassien dévolu au projet LECLERC : un paisible pique-nique le 2 juillet 2011 d’abord, puis, entre les 16 et 17 octobre 2011, la dépose d’une clôture posée par les soins de la municipalité de Champagnole autour du terrain, action qui a motivé les plaintes ultérieures du maire et de LECLERC (Source : Campagnes solidaires n°268 – Dominique Bouillet (paysan dans le Jura). Dernièrement, au cours du mois mai, la Confédération paysanne du Jura a conduit sur le même terrain une campagne de plantations et de semailles.
Entre temps M. PERNOT déclarait au Conseil communautaire du 25 octobre 2011 que « l’avancement [des trois projets] est lié à plusieurs recours déposés contre la CDAC (Commission Départementale d’Aménagement Commercial) et la CNAC (Commission Nationale d’Aménagement Commercial).
Le Tribunal Administratif n’a pas statué sur la CNAC. Il appartient au Conseil d’Etat de se prononcer. Ces recours n’étant pas suspensifs, les trois « impétrants » poursuivent leur démarche.
Le PC [permis de construire] de Leclerc est aujourd’hui [25 octobre 2011] conditionné au diagnostic archéologique. » (PV Comcom du 25-10-11 page 4).
A Auxonne, tout est calme et paisible, l’affichage officiel indique que le permis de construire n’est toujours pas déposé à ce jour et, toujours en attente, une bonne partie du terrain dévolu au projet LECLERC a été mise « légalement » en culture, sans effraction ni « réappropriation » (voir notre article « Points de vue du Charmoy »).
C. S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 12 juin 2012
Adresses utiles
http://franche-comte.france3.fr/info/stop-aux-supermarches--73950895.html
http://michel-moreau.over-blog.com/