PUNIS, LA CARPE ET LE LAPIN ? - du 8 septembre 2013 (J+1726 après le vote négatif fondateur)
Qui sont d’abord, la carpe et le lapin ?
Le très officiel Inf’Auxonne numéro 31 de janvier 2011
http://www.auxonne.fr/telechargements vous l’apprendra en page 2 dans ces lignes de la tribune passionnée, sinon passionnante, du groupe « Auxonne passionnément » :
« Malheureusement, jusqu’à présent nos appels n’ont pas reçu l’écho qu’ils méritaient. En effet, les représentants du commerce auxonnais, obnubilés par la lutte contre l’implantation d’une troisième grande surface se sont fourvoyés dans une alliance contre nature avec les grandes surfaces locales. Se mêlant ainsi d’un combat qui de toute évidence ne les concernaient [sic] pas, en scellant cette alliance de la carpe et du lapin, ils ont fait perdre de vue à leurs mandants les questions essentielles… »
Cette diatribe fulminante contre un mariage réputé contre nature, nous l’avions déjà plaisamment épinglée dans notre article
CHARMOY : LE PÉROU POUR LES PÊCHEURS ! - du 23 juin 2013
Déboulant de la zone du Charmoy, les bouleversements de l’institution du mariage semblèrent donc un temps déferler sur notre ville car, à cette « alliance de la carpe et du lapin », fit écho ce que nous pourrions qualifier d’« Union discrète pour la maîtrise foncière de la zone après le vote négatif du 17 décembre 2008 », union valeureuse s’il en fut qui valut, à l’un des membres du couple (« contre nature » ?), la reconnaissance appuyée de l’autre, exprimée dans les termes suivants que le destinataire jugea bon de rendre publics :
« A ce jour la maîtrise foncière de la zone est concrétisée grâce à votre discrétion. Nous sommes conscients des difficultés que vous rencontrez, mais l’enjeu est de taille. La divulgation aurait fait échoué [sic] le projet »
[N.D.L.R. « divulgation » Mazette ! C’était une vraie conjuration ! Bonjour le débat ! Il n’était surtout pas question de publier les bans du « mariage » !]
(lettre du Groupe LECLERC au Maire d’Auxonne datée du 14 avril 2009 publiée d’abord en extraits dans un article du Bien public daté du 21 avril 2009 et titré « À PROPOS DU PROJET LECLERC À AUXONNE ON NE VOIT PAS CE QUI POURRAIT L’EMPÊCHER DE S’INSTALLER » puis reproduite intégralement en page 4 d’Inf’Auxonne numéro 25 de mai 2009)
Monsieur Antoine Sanz, alors Conseiller général du Canton d’Auxonne, écrivait quant à lui dans un rapport de janvier 2010 sur le projet : « Pourquoi Monsieur le Maire s’est-il investi en catimini dans les démarches des acquisitions foncières avec la participation active sur le terrain de deux adjoints et du promoteur, laissant libre cours aux suspicions les plus diverses ? »
Passons à présent à l’actualité : le procès-verbal de la séance du Conseil municipal du 27 août 2013 vient de paraître sur le site officiel
http://www.auxonne.fr/conseil-municipal
Il traite en pages 2 et 3 du projet d’hypermarché LECLERC, sous le titre générique : « Construction d’une surface commerciale ».
Remarquons d’abord que le projet d’hypermarché LECLERC est ici désigné génériquement et presque pudiquement par le vocable « surface commerciale ». Cette clause de style n’efface pourtant en rien son caractère de commerce de détail non spécialisé à prédominance alimentaire en magasin d'une surface de vente égale ou supérieure à 2500 m², selon la NAF rév. 2, 2008 toujours en contradiction totale avec le vote négatif exprimé lors de la séance du conseil municipal du 17 décembre 2008.
Le texte s’ouvre solennellement sur le « jugement » de « la carpe et du lapin ». Justice a été rendue et l’on invite donc les conseillers à prendre connaissance du « jugement » :
« Des recours avaient été exercés en conseil d’État par l’Union commerciale et la société LAUCEL [N.D.L.R. : Intermarché]. Elles ont été rejetées sur tous les points. Le jugement est tenu à la disposition des conseillers souhaitant en prendre connaissance. L’Union commerciale et la Société LAUCEL ont été condamnées à verser une somme de 3000 € chacune à la Société BOUXDIS au titre des expéditions de l’article 761-1 du code de justice administrative (paiement des frais de justice) ». [p. 2]
Un examen plus attentif du « jugement » nous a permis de noter que les compères carpe et lapin semblent bien avoir été punis, entre autres, pour avoir osé reprendre certains arguments de la décision 317D de la CNAC du 20 janvier 2010 relatifs à l’animation du centre ville, à l’absence de transports collectifs, ainsi qu’au caractère agricole des terrains investis.
L’attendu N° 9 de la décision du conseil d’État stipule en effet de façon très optimiste que « si les requérantes soutiennent que la décision attaquée méconnaît l'objectif d'aménagement du territoire fixé par le législateur et aura des conséquences néfastes sur la vie urbaine, il ressort des pièces du dossier que le projet, situé dans la partie sud d'Auxonne et dans un secteur connaissant une croissance démographique, plusieurs opérations d'aménagement ayant conduit à la création de nouveaux logement contribuera à diversifier l'offre commerciale dans le val de Saône sans nuire à l'animation du centre ville d'Auxonne ; que la réalisation du projet devrait contribuer à rééquilibrer l'offre entre les pôles de l'agglomération dijonnaise et doloise ; qu'il ressort également des pièces du dossier, et notamment de l'avis de la direction départementale du territoire, que si le projet se situe sur des terrains agricoles, ceux-ci sont rendus peu exploitables par la proximité de la route départementale 905, et qu'enfin, le projet sera desservi par les transports collectifs et aura un impact limité sur les flux de véhicules existants ».
On pourra encore consulter avec profit notre article.
LU EN CONSEIL D’ETAT- du 14 août 2013
Après ce détour au Conseil d’État revenons plus modestement à notre conseil municipal. Après le constat de « punition », le texte du procès-verbal enchaîne sur la construction de l’hypermarché par le paragraphe suivant :
« La procédure du permis de construire se poursuit donc normalement par le biais de l’enquête publique pour laquelle toute personne ou toute société peut consulter le dossier ou en demander une reproduction moyennant finances. La société Germond à Dôle [sic] a été consultée pour connaître le coût qui sera répercuté aux éventuels demandeurs. Ce point sera soumis au Conseil avant la fin de la séance (point n° 11 de l’ordre du jour) ». [p. 3]
Certes, le rejet opportun des coupables et indignes recours des compères carpe et lapin permet, comme il est dit, la poursuite normale des démarches relatives à l’attribution du permis de construire. Dans le cas de figure contraire, c’est-à-dire, l’acceptation de ces recours, un retour à la case départ avec nouveau passage en CDAC aurait pu être nécessaire… A moins que le permis de construire n’ait déjà été attribué et les travaux commencés.
Cette dernière hypothèse n’était pas invraisemblable et si elle ne s’est pas concrétisée, c’est en raison des circonstances diverses qui ont considérablement retardé la procédure. De ces retards, il n’est pas fait mention dans le procès-verbal, mais ils existent bien comme nous allons le montrer.
Le dossier relatif au projet de création d’un centre commercial et d’une station service E. Leclerc a été reçu par la DREAL dès le 4 octobre 2012 (Cf. annexe à l’étude d’impact partie 2 consultable pour l’enquête publique). C’est après examen de ce dossier qu’il a été demandé au promoteur « une étude d'impact, conformément à la décision de l'autorité environnementale (arrêté préfectoral en date du 31 octobre 2012) suite à un examen au cas par cas au titre de la rubrique 36°/ du tableau annexé à l'article R122-2 du code de l'environnement, compte tenu du projet et des enjeux concernant la gestion des eaux pluviales et usées, la prise en compte du cadre de vie pour les zones d'habitats à proximité immédiate et des déplacements et consommations énergétiques ».
En l’absence de cette exigence, la procédure d’attribution du permis de construire aurait sans doute été beaucoup plus rapide.
L’arrêté préfectoral en date du 31 octobre 2012 entraînait aussi la nécessité d’ouvrir une enquête publique.
Cependant, cette enquête elle-même aurait pu se tenir beaucoup plus tôt (le commissaire enquêteur avait été désigné par ordonnance n° E13000033/21 de M. le Président du tribunal administratif dès le 21 février 2013). Le déroulement tardif de cette enquête est dû aux conclusions défavorables du premier avis de l’autorité environnementale du 8 mars 2013 relativement à l’étude d’impact demandée. Ces conclusions ont eu pour conséquence le dépôt le 25 avril 2013 d’une nouvelle demande de permis de construire, comprenant une nouvelle étude d'impact, qui a fait l’objet à son tour d’un second avis de la DREAL du 28 juin 2013.
Un extrait de ce second avis de la DREAL daté du 28 juin 2013 (pages 1 et 2) confirmera nos dires :
« Le projet est soumis à un permis de construire d'après les articles L421-1 et R421-1 du code de l'urbanisme. Un dossier de demande de permis de construire, portant sur la réalisation du centre commercial et du parking, a été déposé en mairie d'Auxonne le 17 décembre 2012. Ce dossier comprenait une étude d'impact, conformément à la décision de l'autorité environnementale (arrêté préfectoral en date du 31 octobre 2012) suite à un examen au cas par cas au titre de la rubrique 36°/ du tableau annexé à l'article R122-2 du code de l'environnement, compte tenu du projet et des enjeux concernant la gestion des eaux pluviales et usées, la prise en compte du cadre de vie pour les zones d'habitats à proximité immédiate et des déplacements et consommations énergétiques.
Un avis d'autorité environnementale a été rendu sur ce dossier en date du 8 mars 2013.
Une nouvelle demande de permis de construire a été déposée en date du 25 avril 2013, comprenant une nouvelle étude d'impact, qui fait l'objet du présent avis d'autorité environnementale.
Le projet devra faire l'objet d'une enquête publique en application de l'article R 123-1 du code de l'environnement ».
Ces diverses circonstances expliquent une quasi-coïncidence fortuite entre la date de la décision du Conseil d’État (1er août 2013) et celle de l’arrêté municipal n° 105-2003 décidant de procéder à la tenue d’une enquête publique (29 juillet 2013).
Mais c’est bien « en application de l'article R 123-1 du code de l'environnement » que se déroule tardivement la présente enquête publique et non en conséquence du rejet des recours exercés en Conseil d’État par l’Union commerciale et la société LAUCEL comme semblerait peut-être le suggérer la rédaction du procès-verbal.
À noter pour finir l’emploi pour le moins original, dans ce procès verbal, de l’expression « par le biais », à propos de la tenue d’une enquête publique. En langue française, cette expression a un sens bien défini qui est le suivant : « par le moyen détourné, par le moyen indirect ». Or, il est bien clair que la tenue de cette enquête n’est pas un moyen et encore moins un moyen détourné, nous l’espérons bien, mais une obligation résultant de l'article R 123-1 du code de l'environnement.
Certes, du vote négatif initial déclenchant la prospection foncière « discrète » à l’annonce officielle de l’ouverture d’un « supermarché à dominante non alimentaire » lors de la consultation, en passant par l’émergence d’associations ad hoc et l’impression d’affiches à LURE, j’en passe et des meilleures, les biais n’auront pas manqué dans cette affaire, mais dans le cas présent de l’enquête publique, nul n’est pas fondé, a priori du moins, à parler de « biais ».
Publié ce 8 septembre 2013, en ce jour gris et pluvieux de la fête patronale et jour anniversaire de la libération de notre ville.
C. S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 8 septembre 2013 (J+1726 après le vote négatif fondateur)