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1 mars 2011 2 01 /03 /mars /2011 00:00
 FOLKLORE - du 1er mars 2011

           

            Le mot n’est plus très à la mode. Quand on utilise le qualificatif folklorique, c’est pour désigner quelque chose de pas très sérieux, d’un peu clownesque. Le folklore, c’est une sorte de carnaval un peu sage avec spécialités régionales, une façon de caricature innocente et aimable d’un monde reconstruit, qui n’est plus et n’a sans doute jamais existé comme tel. Ce peut être aussi un ingrédient utile pour pimenter telle ou telle revue sur papier glacé d’une institution à caractère local.

            Dans sa forme architecturale, c’est le signe esthétisé d’une région, un logo, pour parler comme tout le monde : losanges de tuiles vernissées sur un toit égale Bourgogne, clocher comtois gravé sur la porte d’un TER égale Franche-Comté. Dans sa forme agricole, c’est l’assimilation d’un lieu, voire de ses habitants à une production : escargot de Bourgogne, moutarde de Dijon, oignon d’Auxonne, ouillottes de Poncey.

            Et pourtant, la mondialisation, l’uniformisation des paysages rend toutes les périphéries de villes identiques. Partout fleurissent les mêmes zones, les mêmes parkings, les mêmes hypers, les mêmes bricos, recélant les mêmes productions de masse délocalisées, étalées sur fond de même world-music dégoulinante. Le voilà, de Landerneau à Wilno et de Brest à Bucarest, le folklore universel présent. Et s’il reste des champs alentours, la même musique résonne aussi dans la cabine du tracteur.

           A la fin des années 60 de l’autre siècle, lorsque je défendais l’Arsenal d’Auxonne contre les marchands de béton, aux côtés de mon Maître Pierre Camp, je me rappelle d’une expression qu’il avait employée pour désigner la France qui se construisait alors sous nos yeux : « une caricature d’Amérique où l’on prend la vie en dégoût ». Je lui donne plus que jamais raison, et la crise morale que traverse notre pays, trouve sans doute une part de ses causes dans cet enlaidissement généralisé entrepris méthodiquement par le nerf du profit et sous la bannière revendiquée du « progrès ».

             Et malgré ce grand chambardement, ce bétonnage des espaces, cette mise en sauce américaine de la « douce France », la référence aux vieilles provinces n’est pas morte. On les invoque encore à tout bout de champ, et bien ailleurs qu’aux champs. Chacun se souvient de l’emploi malencontreux du mot « Auvergnat » par un récent ministre.

             Plus localement, je notais il y a peu l’emploi, beaucoup plus innocent, du qualificatif « picard » dans un tract local. Après avoir noté, documentons un peu.

             Le tragique Racine était picard, La Fontaine aussi d’ailleurs. Nous n’en conclurons pas pour autant que tous les Picards sont tragédiens ou conteurs de fables.

             Dans son unique et courte comédie  Les plaideurs, Racine fait le portrait d’un Picard.  Dès la première page, dans la tirade de Petit Jean, on trouve ces deux citations célèbres : « Tout Picard que j’étais j’étais un bon apôtre » et  « Point d’argent, point de Suisse », le Picard Petit Jean s’appliquant à lui-même cette dernière. Petit Jean entend par-là, non pas qu’il soit un soldat mercenaire suisse, mais qu’il fait payer ses services.

             Les problèmes d’identité ne datant pas d’aujourd’hui, il s’écrivit au milieu du dix-neuvième siècle un énorme ouvrage collectif illustré intitulé Les Français peints par eux-mêmes décrivant tous les types sociaux et provinciaux du pays. Balzac y peignait l’épicier et Francis Wey, le Picard  :

            « Ces braves gens sont emportés, vifs comme poudre ; ils ont des colères aussi pétillantes et aussi durables qu’un feu de paille. En outre, comme ils s’expriment facilement et sont assez têtus, il en résulte un certain penchant à l’esprit de controverse ; ils aiment la discussion et s’y livrent avec la même âpreté que leurs voisins du département du Nord. Leur plaisir est d’entasser une foule d’arguments spécieux à l’appui d’une bourde. »

             A la fin de l’article, l’auteur conclut quand même: « Pour moi, qui les connais et les apprécie, il me semble que si je n’avais l’honneur d’être Franc-Comtois, je serais très satisfait d’être Picard ».

             Voilà  de quoi rassurer tout le monde !

 

C. S. Rédacteur de Chantecler,

à  Auxonne le  1er mars 2011

           

             

 

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Publié par C.S. - dans Figures libres