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14 octobre 2014 2 14 /10 /octobre /2014 00:00

FELLINI AU CHARMOY - du 14 OCTOBRE 2014 (J+2126 après le vote négatif fondateur)

      Que vient faire l’auteur de La dolce vita au Charmoy ? Voilà une question que plus d’un(e) d’entre vous, fidèles lecteurs/trices  ne va pas manquer de se poser. Fellini au Charmoy, c’est vrai qu’il faut oser, et nous osons, pourquoi faudrait-il priver notre blog d’un « espace culturel », la prédominance alimentaire de son sujet n’interdit en rien l’irruption d’un brin de fantaisie et de rêve !

    L’irruption d’un brin de fantaisie et de rêve, une petite chose toute simple mais tellement rare dans nos doctes assemblées locales et leurs indigestes productions. Il nous manque un maire-poète et un sous-préfet aux champs ! Tiens ! Je me demande parfois si je n’irais pas jusqu’à offrir ma plume pour agrémenter Inf’auxonne, notre journal à tous/toutes, cher(e)s concitoyen(ne)s, de petites fables espiègles et d’anecdotes libres et  piquantes. Ne serait-il pas opportun, en effet, que les caractères rendus par les tribunes, n’allant pas allonger de fastidieux bilans, mettent la fantaisie à la une !

    Et Fellini dans tout cela ? Le voilà ! L’autre lundi, 7 octobre, dans le courant de l’après-midi, je pédalais tranquillement sur le vieux chemin de Dole allant à la découverte du chantier de la zone du Charmoy. Je remarquai le calme qui y régnait, ne sachant pas encore que ce calme n’était pas dû seulement au hasard, mais à une décision de justice.

   Cette justice n’avait certes rien à voir avec la justice divine, mais pourtant, sur le petit chemin qui descendait, une étrange coïncidence, presque un petit miracle, se produisit. J’allais entamer la descente qui s’amorce après la dernière maison lorsque j’avisai au bord du fossé qui court au pied du grand remblai récemment créé, un couple d’un certain âge en arrêt. « Encore deux de ces badauds-gogos qui viennent examiner l’avancement des travaux ! » me dis-je. Mais j’étais dans l’erreur. En effet, arrivé à leur hauteur, je freinai pour ralentir, car étant d’une nature curieuse et avenante, je venais de voir que, m’ayant repéré, l’homme du couple commençait à prendre l’attitude du voyageur égaré qui va demander sa route.

    M’étant arrêté, je saluai l’homme qui me demanda naïvement, avec un fort accent transalpin, si l’on construisait ici… des immeubles. Pour sûr, il n’était pas Auxonnais, et il n’était pas non plus un badaud-gogo contemplateur de chantier, ses contemplations touchaient à d’autres horizons… En effet, la femme, dont je devais apprendre qu’elle était d’ailleurs la sienne, moins avenante que lui, avait poursuivi sa route et la voyant sonner au portail de la dernière maison, je compris dans l’instant que je venais de rencontrer deux témoins de Jéhovah. Une telle rencontre n’est pas toujours bienvenue quand elle survient sur le pas de votre porte, mais ici, sous le libre espace du ciel, elle n’avait rien de désagréable. Et Fellini dans tout cela ? Le voilà justement ! Il résonnait encore dans ma tête, car il faut dire que l’avant-veille j’avais regardé I Vitelloni  et la veille, La dolce vita.      

     L’accent italien de mon interlocuteur me fit, dans l’instant, retourner dans le film, et quand l’homme au front bronzé, que couronnaient des cheveux blancs, me dit qu’au seuil de l’âge adulte, il avait quitté la campagne romaine pour venir en France, nous y fûmes tout à fait et nous passâmes en version originale italienne avec de-ci de-là quelques sous-titres français. Je lui expliquai ma présence en ce lieu et lui parlai de mon blog, alors il sortit sa Bible qui s’ouvrit presque automatiquement sur une page cornée et froissée, manifestement maintes fois parcourue. En suivant du doigt, il commença sa lecture, m’énumérant tous les signes inquiétants qui marquaient notre temps et la fin qu’ils présageaient. En réponse, je lui montrai le décor bouleversé qui s’offrait à nous, ce décor comparable à celui des borgate romaines (banlieues) des années de la croissance, ce décor qui me révulsait, quand enfant puis adolescent je traversais, dans la voiture de mon père, la campagne milanaise rongée par le béton du « miracle italien ».

    Et nous fûmes alors en plein Fellini, dans un chaos moderne où les débris du vieux monde se mêlaient à un progrès sans espoir sur fond d’ennui incurable et d’horizon bouché. Il ne manquait, survolant le décor,  que cet hélicoptère transportant une statue du Christ qui ouvre La dolce vita !

     Cependant, malgré la perspective annoncée d’une apocalypse prochaine, et en dépit du paysage bouleversé, mon interlocuteur, avec ce sens pratique propre aux Italiens, ne perdait pas le nord. Il m’avait déjà glissé une revue en main, et très convaincant, faisait preuve d’excellentes qualités marketing. Comme il commençait déjà à s’enquérir de mon adresse pour renouveler et prolonger la conversation, je me remis en selle et, me retournant , lui lançai rieur : « Rimango nel centro cittá, ma il mio indirizzo, non ce l’avra ! » Et nous nous quittâmes avec le sourire, comme il convient entre gens de bonne compagnie.

     Redescendant vers la ville, je doublai, un peu plus loin, sa femme qui avait avancé dans sa prospection improbable.  Dans notre monde mû  par l’argent et la propagande matérialiste, je me suis dit alors qu’il subsisterait toujours des chemins de rencontre et qu’il valait mieux, au bout du compte, être le clown, pas forcément triste, des causes perdues qu’une marionnette docile du profit néolibéral !

N.B. : Cet article comporte 5600 caractères espaces compris.

 Fellini au Charmoy

C.S. Rédacteur de Chantecler,

Auxonne, le 14 Octobre 2014  (J+2126 après le vote négatif fondateur)

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Publié par Cl.S., Auxonnais - dans Côté Cinéma