DE COMBRAY À CHARMOY-CITY. EXERCICES D’HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHIE LITTÉRAIRE (7)- du 4 décembre 2018 (J+ 3639 après le vote négatif fondateur)
L’heure est grave ! Laissons en plan pour un instant notre « Hôtel du Charmoy » en solde !
Non, les gilets jaunes n’ont rien à voir dans cette interruption ! Il s’agit simplement de nos lecteurs proustiens qui nous redemandent à cors et à cris de la lecture ! La Recherche avec nous ! La Recherche avec nous !
Et pour cause, ils ont appris dans notre dernier article que la maquette du « clin d’œil à Proust » ne serait présentée « normalement [que] lors du prochain conseil municipal », c’est-à-dire pas avant le 20 décembre. Tollé général dans la sphère proustienne charmoysienne !
CHARMOY-CITY : HÔTEL DE LA RUE DU CHARMOY. ON SOLDE !!! (1) - du 2 décembre 2018
Quelle peut bien être la cause de ce retard ? Nous l’ignorons. Faudrait-il l’imputer aux gilets jaunes qui pour l’heure font aux bleus une vie pas vraiment rose ?
Remballe ta palette à trois balles Chantecler !
Robert Daniel, l’artiste favori du Raoul, nous a assez enfumé en son temps avec ses délires chromatiques !
Petit rappel historique. Si le jaune est actuellement à la mode dans notre beau pays, il l’était déjà en juin 2010 à Charmoy-City, et notre artiste en profitait pour nous enfumer la palette, en publiant le discours vibrant de son mentor à l’issue de la grande farce des affiches jaune pour la zone imprimées à LURE. Ah ! les zozones !
Oublions (mais pas trop) ces pantalonnades et pour faire patienter nos proustiens, livrons-leur donc dès aujourd‘hui le septième et dernier numéro de notre série « De Combray à Charmoy-City. Exercices d’histoire et de géographie littéraire » que nous gardions en réserve, et qui nous conduira pour finir à l’évocation de la Grande Guerre. Autrement dit, la vie en bleu horizon, comme la Chambre du même nom.
Nous n’avions pas prémédité cette rencontre, mais une lecture rapide du septième et dernier tome de La recherche, intitulé Le temps retrouvé, paru en 1927, à titre posthume, nous y a fait découvrir l’empreinte profonde des années de guerre.
C’est avec un plaisir renouvelé que nous y retrouvons la figure de Robert de Saint-Loup, l’aristocratique maréchal-des-logis avec lequel nous avions fait brièvement connaissance dans nos deux précédents épisodes.
DE COMBRAY À CHARMOY-CITY. EXERCICES D’HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHIE LITTÉRAIRE (6)- du 26 novembre 2018
À travers la figure de Robert de Saint-Loup, l’écrivain dresse, dans la première moitié de l’ouvrage, un portrait de soldat dans la grande Guerre.
Chacun connaît cependant la richesse et la complexité psychologiques des personnages proustiens et le portrait de Robert Saint-Loup n’échappe évidemment pas à la règle.
On nous permettra donc de simplifier le propos à l’extrême pour ne retenir, du Marquis, que l’esquisse d’une figure de soldat dans la Grande guerre.
Dans notre choix de laisser volontairement de côté les complexités toutes proustiennes des penchants du personnage, nous avons d’ailleurs été encouragé par le Marquis lui-même, qui rétorque au narrateur trop curieux sur ce chapitre :
« Moi, je suis un soldat, un point c’est tout. Autant ces choses-là m’indiffèrent, autant je suis avec passion la guerre balkanique [N.D.L.R. : 1913 ]. […] Mais pour le genre de choses auxquelles tu fais allusion, je m’y connais autant qu’en sanscrit. » (page 18)
En bref, respectant la volonté du Marquis, nous nous en tiendrons au seul rôle militaire du personnage que nous esquisserons au moyen de quelques citations.
Les mentions de pages de nos citations font référence au premier volume de l’édition du Temps retrouvé, Paris, Librairie Gallimard, Éd de la Nouvelle revue Française, 1927 (disponible en ligne sur Gallica).
Le narrateur nous montre d’entrée un homme peu soucieux de faire montre de cette gloriole chauvine des va-t-en-guerre :
« La première fois que je l’avais vu après la déclaration de guerre, c’est-à-dire au début de la semaine qui suivit, […] Saint-Loup n’avait pas assez d’ironie pour lui-même qui ne reprenait pas de service [N.D.L.R. : Robert avait démissionné de l’armée après son mariage avec Gilberte] et j’avais été presque choqué de la violence de son ton. […] « Non, s’écria-t-il avec force et gaîté, tous ceux qui ne se battent pas, quelque raison qu’ils donnent, c’est qu’ils n’ont pas envie d’être tués, c’est par peur. » Et avec le même geste d’affirmation plus énergique encore que celui avec lequel il avait souligné la peur des autres, il ajouta : « Et moi, si je ne reprends pas de service, c’est tout bonnement par peur, na. » (page 64)
Dans les faits, sans faire étalage de patriotisme, Saint-Loup, cherchera bien vite à servir :
« je sentais bien que parader n’était pas du tout ce que désirait Robert, bien que je ne me rendisse pas compte alors de ses intentions aussi exactement que je le fis plus tard quand, la cavalerie restant inactive, il obtint de servir comme officier d’infanterie, puis de chasseurs à pied, et enfin quand vint la suite qu’on lira plus loin. Mais du patriotisme de Robert, Bloch ne se rendit pas compte, simplement parce que Robert ne l’exprimait nullement ». (page 69)
Du front, il écrit des lettres enthousiastes au narrateur : « Mon petit, m’écrivait Robert, si tu voyais tout ce monde, surtout les gens du peuple, les ouvriers, les petits commerçants, qui ne se doutaient pas de ce qu’ils recelaient en eux d’héroïsme et seraient morts dans leur lit sans l’avoir soupçonné, courir sous les balles pour secourir un camarade, pour emporter un chef blessé, et, frappés eux-mêmes, sourire au moment où ils vont mourir parce que le médecin-chef leur apprend que la tranchée a été reprise aux Allemands, je t’assure, mon cher petit, que cela donne une belle idée du Français et que ça fait comprendre les époques historiques qui nous paraissaient un peu extraordinaires dans nos classes. […] » (pages 79-80)
Petite parenthèse en relation avec l’actualité de ce mois de décembre 2018 : on souhaiterait à certains de nos politiques de retrouver cette sympathie et cette générosité de regard du Marquis sur « les gens du peuple ».
Quand Saint-Loup revient en permission, le narrateur saisit bien le sentiment d’étrangeté qui s’installe entre les « rescapés du front » et ceux de l’arrière.
« Quand Saint-Loup était entré dans ma chambre, je l’avais approché avec ce sentiment de timidité, avec cette impression de surnaturel que donnaient au fond tous les permissionnaires et qu’on éprouve quand on est introduit auprès d’une personne atteinte d’un mal mortel et qui cependant se lève, s’habille, se promène encore. […]Car il est extraordinaire à quel point chez les rescapés du front que sont les permissionnaires parmi les vivants, […], le seul effet d’un contact avec le mystère soit d’accroître s’il est possible l’insignifiance des propos. Tel j’abordai Robert qui avait encore au front une cicatrice plus auguste et plus mystérieuse pour moi que l’empreinte laissée sur la terre par le pied d’un géant. Et je n’avais pas osé lui poser de question et il ne m’avait dit que de simples paroles. Encore étaient-elles fort peu différentes de ce qu’elles eussent été avant la guerre, comme si les gens, malgré elle, continuaient à être ce qu’ils étaient ; le ton des entretiens était le même, la matière seule différait, et encore ! » (page 85)
Le narrateur apprenant la mort de son ami insiste sur l’élégance de ce dernier, exempte de tout chauvinisme :
« Mon départ de Paris se trouva retardé par une nouvelle qui, par le chagrin qu’elle me causa, me rendit pour quelque temps incapable de me mettre en route. J’appris, en effet, la mort de Robert de Saint-Loup, tué le surlendemain de son retour au front, en protégeant la retraite de ses hommes. Jamais homme n’avait eu moins que lui la haine d’un peuple (et quant à l’empereur, pour des raisons particulières, et peut-être fausses, il pensait que Guillaume II avait plutôt cherché à empêcher la guerre qu’à la déchaîner). Pas de haine du Germanisme non plus ; les derniers mots que j’avais entendus sortir de sa bouche, il y avait six jours, c’étaient ceux qui commencent un lied de Schumann et que sur mon escalier il me fredonnait, en allemand, si bien qu’à cause des voisins je l’avais fait taire. Habitué par une bonne éducation suprême à émonder sa conduite de toute apologie, de toute invective, de toute phrase, il avait évité devant l’ennemi, comme au moment de la mobilisation, ce qui aurait pu assurer sa vie, par cet effacement de soi devant les actes que symbolisaient toutes ses manières […] » (page 208)
À travers les relations de Saint-Loup et de son ami le narrateur, Proust nous donne, loin de l’enflure cocardière, une leçon d’élégance et courage dans le malheur de la guerre.
Pour faire pendant au « lied de Schumann » évoqué dans notre citation précédente de Proust, nous prendrons la liberté de faire un lien entre Saint-Loup et Ludwig VB.
Il arriva en effet qu’un jour en permission, Saint-Loup égara la Croix de Guerre qu’il avait gagnée au front. C’est du moins ce que nous content les pages 200 et 201 au premier volume de l’édition du Temps retrouvé, Paris, Librairie Gallimard, Éd de la Nouvelle revue Française, 1927 (disponible en ligne sur Gallica).
Parions qu’il aurait alors fredonné la « Colère à propos d’un sou perdu » du grand Ludwig VB
https://www.youtube.com/watch?v=AKjzEG1eItY
Claudi a saisi l’idée au vol en décorant à sa manière les pages citées.
Une bonne occasion pour lui, sous prétexte d’ « itinéraire mémoriel », de caviarder le texte au passage ! Et pour cause !
Les fouineurs invétérés se reporteront à l’édition en ligne, une trentaine de pages avant celles présentées par Claudi en illustration et ils retrouveront (Dieu sait où !) la Croix de Guerre perdue de Robert ! Bonne lecture !
Et pour les vrais mordus, on la retrouve plusieurs fois encore, une dizaine de pages après la mort de ce pauvre Robert
Une idée de chasse au trésor littéraire (pour adultes avertis cette fois) capable de revitaliser le centre-bourg, sous le signe de Proust !
CHARMOY-CITY : LA GRANDE ÉNIGME DE LA CHASSE AU TRÉSOR du 07 avril 2018
Au fait, il paraît que notre grande veneure organisatrice zélée de chasses au trésor chocolatées devrait bientôt nous quitter pour rejoindre Gray-la-Jolie, sa patrie.
Je ne l’ai pas inventé, c’est notre premier magistrat qui l’a annoncé le 1er décembre dernier dans son discours d’inauguration du Marché de Noël sous les Halles.
Moralité : encore une boutique orpheline dans la rue Thiers ! Quelle misère !
Et toujours le même président !
https://www.youtube.com/watch?v=uu-CZlXAUsw
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 04 décembre 2018 (J+3639 après le vote négatif fondateur)
Publié dans Revue de presse