BONAPARTE À AUXONNE, PARFUMS ET REMUGLES DE L’HISTOIRE - du 26 octobre 2022 (J+5061 après le vote négatif fondateur)
Dans le livre IV de ses Confessions Jean-Jacques Rousseau écrit :
« En entrant par le faubourg Saint-Marceau, je ne vis que de petites rues sales et puantes, de vilaines maisons noires, l'air de la malpropreté, de la pauvreté, des mendiants, des charretiers, des ravaudeuses, des crieuses de tisane et de vieux chapeaux. Tout cela me frappa d'abord à tel point, que tout ce que j'ai vu depuis à Paris de magnificence réelle n'a pu détruire cette première impression, et qu'il m'en est resté toujours un secret dégoût pour l'habitation de cette capitale. »
Au chapitre 2 de son ouvrage Le miasme et de la jonquille, traitant de « L’odorat et [de] l’imaginaire social [aux] 18e-19e siècles », Alain Corbin relate le fait en ces termes : « Les effluves nauséabonds du faubourg Saint-Marcel assaillent le jeune Rousseau à son entrée dans la capitale ».
Napoléon Bonaparte, comme chacun sait, fut un lecteur assidu du célèbre citoyen de Genève. Partageait-il pour autant avec ce dernier la même sensibilité olfactive ?
Répondre à cette question nécessiterait un travail de recherche que nous n’avons pas actuellement le loisir d’entreprendre sérieusement.
Un ouvrage très récemment paru sur la jeunesse de Bonaparte à Auxonne évoque à travers quelques exemples la grande sensibilité olfactive du jeune Bonaparte, en particulier aux mauvaises odeurs.
Nous ne trancherons pas sur ce point, nous contentant de présenter à nos fidèles lecteurs, sans souci d’exhaustivité, quelques citations glanées au fil de l’ouvrage Bonaparte à Auxonne souvenir de jeunesse 1788-1791 qui semblent appuyer la thèse d’un nez « rousseauien » chez le jeune Bonaparte:
« [ Toulon 2 juin 1788] J’emprunte, un peu hasardeusement, de nombreuses venelles pavées, dont les habitants ont pour habitude de se débarasser de leurs eaux sales. Je prête attention à ne pas me souiller, l’odeur est repoussante, mais comment font-ils pour vivre ici ? » (p. 66)
« [Dole 14 juin 1788] La tête en dehors de l’ouverture, la figure au vent, je hume ce nouvel air, qui de suite, me procure une envie de vomir […]. J’apprends que l’odeur provient des nombreuses tanneries qui sont installées près du Doubs, ainsi que des abattoirs qui les prolongent. » (p. 68)
« [Auxonne 15 juin 1788] « Le coche est arrêté sur le pont-levis qui précède l’entrée [d’Auxonne par la Porte de Comté]. Nous sommes juste au-dessus des douves. Je suis pris d’un léger malaise compte tenu de l’odeur épouvantable qui monte des fossés » (p. 78)
Homme d’une vieille génération qui connut encore les cabinets au fond de la cour et les eaux usées déversées dans les caniveaux des rues puisque j’avais 14 ans quand le tout-à-l’égout fut installé à Auxonne, je peux imaginer sans trop de peine le paysage olfactif du jeune Bonaparte à Auxonne, et qui fut en partie celui de ma prime jeunesse quand le sang des cochons tués à l’abattoir rougissait l’eau du contre-fossé où surnageaient divers débris organiques pour la plus grande joie des rats.
Professeur de sciences physiques, j’ai pu noter aussi l’aversion croissante des générations montantes pour les odeurs désagréables exhalées par certaines expériences de chimie. Et pourtant, selon l’adage : « tout ce qui pue ne tue pas et tout ce qui tue ne pue pas »
Napoléon lui-même raille la sensiblerie de son frère aîné Joseph dans une lettre envoyée d’Osterode le 1er mars 1807. Comme nos lecteurs pourront le constater dans le PDF joint, l’état-major de Napoléon, et Napoléon lui-même devaient sentir fort lors de la campagne de Prusse orientale.
Pour les curieux d’histoire militaire, un aperçu de la campagne de 1806-1807 que nous avions survolée dans une précédente série.
NAPOLÉON D’AUXONNE À LA POLOGNE (2) - du 06 juillet 2022
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 26 octobre 2022 (J+5061 après le vote négatif fondateur)
Publié dans Parfums d’histoire