CHARMOY-CITY : DU CHÂTEAU LOUIS XI AU CASTELLO SFORZA (2) - du 21 mars 2020 (J+4112 après le vote négatif fondateur)
Hier c’était le printemps et le ciel ne mentait pas, et pourtant notre publication du jour n’était ni printanière, ni primesautière, bien que de circonstance…
CHARMOY-CITY : DU CHÂTEAU LOUIS XI AU CASTELLO SFORZA (1) - du 20 mars 2020
Nous reparlerons plus tard de l’Italie et de la « Colonne infâme », mais aujourd’hui, nous voudrions examiner de plus près ce cher Louis XI et son château du même nom.
À propos de ce nom, il est parfaitement choisi, la forteresse n’avait que trop longtemps été nommée « Château Prost », du nom d’un général d’Empire né à Auxonne, qu’elle avait pris la fin du XIXème siècle, alors qu’elle faisait fonction de caserne. Elle a retrouvé heureusement depuis quelque temps le nom de son Roi fondateur : « Château Louis XI ».
Après la mort du Téméraire (1477) et l’annexion des États bourguignons, c’est en effet à l’initiative Louis XI que l’on doit la construction de ce château au cours des années 1480. Dans son Guide illustré d’Auxonne, Pierre Camp note (p. 15) : « L’intention du méfiant monarque n’est point douteuse. Il était beaucoup moins préoccupé de défendre le duché contre les Impériaux […] que de tenir en respect une province [la Bourgogne] dont la fidélité restait incertaine ». Mort en 1483, le monarque ne vit jamais le château achevé.
Ces quelques lignes de Pierre Camp esquissent bien la silhouette politique du roi, que le célèbre chroniqueur Philippe de Commines nommait volontiers l’« universelle araigne », voulant rendre ainsi hommage à son inlassable activité, mais l’ « araigne » n’est-elle pas aussi et surtout une grande piégeuse ?
La réputation est vivace, un écolier des années 1950 pouvait ainsi lire dans la 27ème leçon de l’Histoire de la France, consacrée à Louis XI : « Louis XI était un homme rusé. Il n’aimait pas beaucoup faire la guerre, mais il cherchait à tromper ses ennemis par de belles promesses qu’il ne tenait pas. » (Albert TROUX, Inspecteur général de l’Instruction publique Histoire de la France, Premier livre, Paris, Hachette, 1952 p. 31). C’était au temps où l’Instruction publique n’était pas encore l’Éducation nationale, Najat n’était encore pas née…et la prose officielle des « pédagos » du Conseil supérieur des programmes ne produisait pas encore ces bijoux langagiers selon lesquels les « l’organisation et la progression des apprentissages au cours des différents cycles de la scolarité obligatoire sont pensées de manière spiralaire et curriculaire.»
Dans les circonstances difficiles que traverse actuellement le pays, Radio France ne manque pas à son tour d’ajouter un vocable ronflant à l’inépuisable registre de perles du domaine pédagogique.
Après le référentiel bondissant, tenez-vous bien, voici la « nation apprenante » !
Pour en revenir à notre « universelle araigne », les fameuses cages de Louis XI – où l’on ferait bien d’enfermer certains rédacteurs du Conseil supérieur des programmes – ne sont pas une légende. André Salmon rapporte ainsi ce témoignage de Philippe de Commines (rappelons que Commines, habile transfuge, outre que célèbre chroniqueur, était passé du service du Téméraire à celui de Louis XI) : « Philippe de Commynes, qui en avait tastè huict moys [N.D.L.R. lors d’une disgrâce momentanée après la mort de Louis XI], nous fait connaître qu'elles étaient tantôt en fer, tantôt en bois, couvertes de plaques de fer par le dehors et par le dedans. Elles variaient de grandeur, suivant la manière dont on voulait torturer le prisonnier : le plus souvent elles avaient sept ou huit pieds de hauteur et de largeur ; mais quelquefois, par un raffinement de cruauté, elles étaient trop petites pour le prisonnier. » (Salmon André. Notice sur Simon de Quingey et sa captivité dans une cage de fer. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1853, tome 14. pp. 376-398., rapporté pp. 382-383)
De là, à conclure que le bon roi Louis XI était un pionnier de l’hyper-confinement, il n’y a qu’un pas que certain(e)s ne nous manqueront pas de nous reprocher d’avoir franchi !
N.B. : Le printemps nous imposant des tâches qu’avait interrompu l’hiver, il est possible que nos publications s’espacent dans les jours qui viennent. En effet, la rédaction journalière d’un article original illustré est une tâche lourde sans commune mesure avec le repost des nouvelles ambiantes universellement pratiqué.
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 21 mars 2020 (J+4112 après le vote négatif fondateur)
Publié dans Visions d’histoire