UN SOUS-PRÉFET AUX CHAMPS – du 17 août 2012 (J+213 après la CNAC)
Le Bien Public du 14 courant relatait dans ses colonnes, sous le titre « La commune de fond en comble », une visite du secrétaire général de la préfecture de Dijon dans notre ville, le 9 août dernier. Il ne s’agissait pas d’une perquisition comme pourrait, en effet, le suggérer le titre, pas plus que d’une banale excursion touristique dans le seul but d’« admirer Auxonne » comme il est dit, et ce, malgré l’intérêt objectif de la plupart des lieux visités, mais bien plutôt de l’opportunité de conduire un décideur sur le site de projets pour lesquels des financements seront toujours les bienvenus.
Nous souhaitons vivement l’obtention de ces financements et, sur un mode moins comptable, nous voudrions ajouter un libre appendice au texte que nous venons de citer.
Reportons nous donc à la fin de l’article qui se termine par « une montée à la tour carrée » débouchant sur la contemplation du panorama auxonnais. De ce plaisir que peu d’Auxonnais(es) ont goûté, rien ne nous est dit hélas ! Et comme on le regrette ! On imagine pourtant les visiteurs émergeant de l’obscurité de l’escalier en colimaçon et s’accoudant, plus ou moins essoufflés et éblouis, mais ô combien satisfaits, au parapet ajouré multiséculaire : là-haut la brise souffle et le panorama s’offre tout alentour ! Perchés sur les épaules des géants dont la vertu et le talent surent monter ces pierres, entrons à présent dans le libre monde de la fiction !
A main droite de la sortie de l’escalier, voilà le parapet Est ; de là, on découvre la flèche et en contrebas, dans leur blancheur, les travaux de restauration tous récents sur les contreforts et les chapelles latérales ; comme sortis d’une maquette, se découvrent sur la Place d’Armes la statue de Bonaparte et la façade de brique bien sage de l’Hôtel de Ville. Du parapet Nord la vue prend en enfilade la rue Carnot mais les bâtiments du Quartier Marey-Monge masquent les darses du Port-Royal. Bravant le soleil, on poursuit à présent vers le parapet Sud car Monsieur le sous-préfet a sans doute exprimé le désir d’avoir un point de vue sur le Château Louis XI. On découvre celui-ci avec le complexe de l’Hôpital, à droite de la grande barre des HLM des Ursulines, perchée sur une courtine casematée depuis les années 50 du siècle dernier. Cette grande construction banale domine et barre les vues en direction de Labergement masquant aussi, sans grand préjudice esthétique, un conglomérat de grandes surfaces édifié entre la courtine, le Bastion du Moineau et la friche industrielle des Aciéries.
Un assistant a d’ailleurs dû mentionner la présence masquée de ces commerces au fonctionnaire en visite car un autre déjà prend déjà la balle au bond évoquant avec enthousiasme la construction éminemment « prochaine » d’un hyper. Sa main désigne maintenant, largement à gauche de la barre des Ursulines, un horizon de forêts précédé de champs verdoyants. Comme un artilleur voulant préciser la position de l’objectif, un index avisé désigne enfin un réservoir-champignon situé à 2 km à vol d’oiseau. C’est là, au pied de l’élégant cryptogame de béton, que devrait surgir le miracle ! La main en visière, on peut à présent contempler et imaginer.
Et c’est là qu’intervient enfin le bon Alphonse Daudet plein de fraîcheur que vous attendiez tous. Comme on aimerait pouvoir dire avec lui : « Tout à coup, M. le sous-préfet tressaille. Là-bas, au pied d’un coteau, il vient d’apercevoir un petit bois […] qui semble lui faire signe » ( A. Daudet « Le sous-préfet aux champs » dans Lettres de mon moulin)
Qui sait ? La magie verdoyante du panorama découvert du haut de la « tour carrée » aura peut être agi. Pas vrai ? Pourquoi gâter inutilement ce petit chef-d’œuvre paysager. Et d’ailleurs, comme dirait Mme la ministre NKM qui parle en expert : « c’est pas la peine de prendre des champs pour aller construire de grands hypers et un jour se retrouver avec là-dessus les mêmes problèmes qu’on a déjà sur nos terrains pollués ! »
Dans sa brochure Notre-Dame d’Auxonne publiée en 1957, Charles Oursel commençait ainsi : « Dans la pittoresque petite ville d’Auxonne que le progrès défigure peu à peu, l’église Notre-Dame attire les regards des touristes ». Plus d’un demi-siècle après, ces propos ont gardé toute leur validité. Après notre visite imaginaire à la « tour carrée » de cette église, et en hommage au travail de Charles Oursel nous voudrions enrichir aujourd’hui l’iconographie de Notre-Dame d’Auxonne d’une gravure inédite tirée du recueil des Contes du Charmoy.
A propos de l’oeuvrette d’Alphonse Daudet qui nous a inspiré notre titre, précisons pour conclure que le modèle du « sous-préfet aux champs » ne fut autre que le Dijonnais Stephen Liégeard, sous-préfet authentique et poète à ses heures, resté célèbre pour avoir lancé l’expression « Côte d’Azur », titre de son ouvrage le plus connu publié en 1887.
C. S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 17 août 2012
(J+213 après la CNAC)