UN SAMEDI À CHAMPAGNOLE- du 14 mars 2013 (J+87 après le dépôt)
Dans un article précédemment paru le 12 juin 2012 sur notre blog et intitulé « La Saône prend sa source au Mont-Rivel » nous déclarions, à propos de notre soudain intérêt pour Champagnole :
« Notre intention n’est pas, sur un mode touristique de vanter et de comparer les mérites respectifs de la « Perle du Jura » et de la « Capitale du Val de Saône », mais de suivre en parallèle l’évolution de deux projets d’Hyper LECLERC actuellement en cours dans les deux villes ».
Le lecteur désireux de prendre connaissance de cette étude comparative sommaire du moment pourra se reporter à « La Saône prend sa source au Mont-Rivel »
Depuis la publication de cet article, les choses ont récemment et grandement évolué, pas dans le bon sens, hélas :
A Auxonne, le projet d’hypermarché LECLERC a fait l’objet d’un dépôt de permis de construire le 17 décembre 2012.
http://www.bienpublic.com/region-dijonnaise/2012/12/19/leclerc-le-permis-de-construire-a-ete-depose
A Champagnole les travaux du Leclerc ont effectivement commencé à la fin du mois de février dernier :
http://www.lejsl.com/bresse/2013/02/27/en-direct-du-jura-voisin
En raison de cette importante nouvelle et toujours soucieux d’informer au mieux ses nombreux et fidèles lecteurs Chantecler s’est donc rendu à Champagnole le samedi 9 mars dernier pour un petit reportage photo. Les images correspondantes sont dès maintenant consultables dans notre album Chantecler à Champagnole
Nous partions aussi avec l’intention de prendre contact avec Michel Moreau dont le blog bien informé et plein d’humour nous a grandement inspiré jusqu’ici dans nos « études champagnolaises ».
http://michel-moreau.over-blog.com/
Les quelques notes de voyage que nous présentons maintenant n’ont pas le caractère (supposé) rigoureux d’un compte rendu de presse. Notre déplacement n’était pas préparé et nous nous sommes embarqué pour Champagnole presque inopinément, entre l’annonce du démarrage des travaux là-bas et celle d’un sursaut imminent de l’hiver.
Arrivée en gare de Champagnole à 11h17. Devant la gare je questionne un couple d’âge mûr, ils connaissent Michel Moreau et m’indiquent le quartier extérieur où il habite à 2 km de là. J’entre en ville par le marché et je questionne des marchands de « bio », ils ont vu passer Michel Moreau en vélo, il vient toujours en ville en vélo, avec un peu de chance je devrais pouvoir le trouver.
Le marché traversé, j’arrive sur la Place Charles de Gaulle 3 septembre ; entre mairie, poste et église, trône la Fontaine aux Lions. J’entre à la poste pour trouver le numéro de Michel Moreau car on m’a dit qu’il était dans l’annuaire. Mais l’annuaire est-il dans la poste ? Il y est ! Après une recherche un peu laborieuse, on me le dégotte, en attendant, j’admire les dimensions spacieuses du bâtiment et son magnifique dallage. Midi sonne, j’appelle Michel Moreau, courte conversation cordiale et instructive sur le sujet qui nous intéresse, mais l’emploi du temps de Michel Moreau ne lui permet pas de me recevoir. Evidemment, j’aurais dû m’annoncer !
Avisant la pancarte « Jambon braisé-frites », j’entre au Twenty’s. Je m’installe sur la banquette et commande. Contrairement à ce que pourrait suggérer l’enseigne, la clientèle n’est pas franchement jeune mais l’ambiance est très conviviale, sans la musique assommante de certains bars plus branchés. En attendant mon assiette, j’observe : un habitué vide son verre de Suze avec une régularité d’horloge, à une table voisine, la conversation court sur des histoires de moutons et de loups, au comptoir, on donne une interprétation libre de l’acronyme RSA : « rosé servi ailleurs ». Assiette très bien servie, je cale, la jeune serveuse m’engage sans façon à « tout finir ». Après le café, en sirotant une poire, j’entame la conversation avec quelques baby-boomers de ma génération, Michel Moreau a été leur professeur d’anglais, avis partagés, mais jamais indifférents. Etant moi-même professeur en retraite, j’écoute assez amusé. A bâtons rompus, j’apprends beaucoup de choses sur Champagnole, son histoire, sa démographie fluctuante, sa sociologie de ville industrielle « sans bourgeoisie de tradition comme en témoigne l’absence de théâtre à l’italienne ».
Deux heures passées, il est temps de poursuivre la visite. Je demande à la serveuse où trouver le Village U ; à travers la vitrine, au-delà de la place de la mairie, elle m’indique une grue et la forme grise de l’Oppidum, je dois prendre cette direction, c’est plus loin. J’arrive à l’Oppidum qui est la salle des fêtes locale, je poursuis, longeant le cimetière à ma droite et le cirque Zavatta tout en rouge et blanc à ma gauche, je traverse des voies ferrées et j’arrive au Village U au pied du Mont-Rivel. Le ciel gris, les sapins sombres, des tas de neige sale, décor mélancolique qui évoque le film L’Adversaire. J’entre dans l’immense complexe commercial et je tombe pile sur le rayon librairie où je flâne un peu, j’achète même « Champagnole d’hier et d’aujourd’hui » en souvenir de ma visite, mais je ne me sens pas le courage de faire un tour des autres rayons et boutiques compte tenu de l’ampleur de l’établissement (5000 m²).
Je reviens sur mes pas vers le centre ville. Sur l’esplanade de l’Oppidum, quelques dizaines de jeunes se produisent en spectacle sur le fond d’une sono, qui, en tenue légère (il fait doux), qui, se tortillant debout dans un sac de couchage, qui, emballé comme une momie, de papier hygiénique, etc…, un jeune spectateur m’apprend qu’il s’agit d’un harlem shake et que le jeune homme en tenue légère est un DJ. Rencontre de civilisations : harlem shake au pied de l’Oppidum.
Retour sur la place de la mairie. Le chantier du Leclerc est à plus d’un kilomètre de là, sur la route de Pontarlier. J’emprunte, pour m’y rendre, l’avenue de la République. C’est la « Grand’rue » de la ville, artère commerçante toute droite aux larges trottoirs. Devant les marchands de journaux, les panneaux de presse annoncent le démarrage du chantier : « Champagnole : Les travaux du futur Centre Leclerc ont commencé ».
500 mètres plus loin je tourne à gauche rue Clémenceau. Au bout de celle-ci, franchie la voie ferrée, je découvre le chantier du Leclerc à ma droite : engins Caterpillar, terre bouleversée, tas de gravats. De l’autre côté de la route, un petit oratoire néo-classique contemple ce champ de bataille. Les 4 colonnes toscanes de la chapelle me rappellent une image du film Théorème de Pasolini : le péristyle d’une petite église se dressant dans la belle campagne lombarde tout investie et bousculée par le boom économique du « miracle italien » sur fond de malaise existentiel.
L’après-midi s’avance, je prends quelques photos du chantier et je retourne vers le centre-ville. En chemin, j’achète la Voix du Jura (semaine du 7 au 13 mars 2013), non sans m’être assuré auprès de la buraliste qu’il contient bien matière à m’intéresser. J’échange quelques mots sur le sujet avec ma vendeuse : ici comme à Auxonne, je retrouve le même fatalisme désabusé et cette philosophie sans horizon du « pot de terre contre le pot de fer ».
Me voilà de retour sur la place de la mairie, j’en fais le tour distraitement en touriste un peu morose sous le ciel gris, détaillant les lions de la fontaine qui me rappellent notre lion du Jardin du Lion sorti, sans doute, du même moule vers 1850 ; constatant le soin qui a été mis à restaurer la mairie ; analysant, intrigué, le texte d’une affiche incitative apposée au parvis de l’église ; détaillant le grand baromètre à cadran au fronton de la poste. Mon train est à 18h47, je m’assieds sur un banc dégustant une, puis deux excellentes allumettes achetées successivement dans une pâtisserie voisine. Récidive ! Puis j’épluche la Voix du Jura où je découvre en page 76 un long article sur mon sujet avec des interventions de Stéphane Leng, Président du Collectif citoyen résistant et une lettre de Michel Moreau à Sylvia Pinel, Ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme. Lecture roborative contre le syndrome épidémique dépressif du « pot de terre contre le pot de fer ».
http://michel-moreau.over-blog.com/
Comme il me reste encore un peu de temps, je feuillette sereinement mon luxueux « Champagnole d’hier et d’aujourd’hui » au rythme des sonneries de l’horloge du château d’eau.
Sur le chemin de la gare, je m’arrête à la fruitière pour faire l’emplette d’une belle pointe de Comté doux. Au soir tombant je retrouve enfin la gare un peu fantomatique et sa salle d’attente presque déserte où les annonces épisodiques des rares trains attendus résonnent. Fait étrange, je n’y reconnais pas la voix familière de « Simone ».
C. S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 14 mars 2013 (J+87 après le dépôt)