L’ÉCHARPE RETROUVÉE - du 21 mars 2014 (J+1920 après le vote négatif fondateur)
Chantecler dédie cet article aux 4 candidats
Un maire sans son écharpe tricolore, c’est un peu comme un village sans son clocher. Un long passé de vieil Auxonnais me fait associer immanquablement cet « objet de mémoire » de l’histoire républicaine à une anecdote remontant à la fin des années 60.
Les Auxonnais(e)s de plus de 50 ans se souviennent tous/toutes du Père Cahuet, cette vieille figure de la geste auxonnaise qui vécut 107 ans (1870-1977). Je me rappelle avoir porté enfant, chez cet ancien adjudant-maréchal du 8ème Chasseurs à cheval, notre chat atteint de gale ; comme pour les chevaux, il prescrivit à notre minet un mélange d’huile et de soufre. Le chat guérit ! Le vieux sous-officier qui était parti en retraite dès avant 1914, avait des talents de vétérinaire, c’était par ailleurs un ancien élu municipal et un patriote convaincu, à la mode de Déroulède, sorte de vieux Clémenceau à moustaches semblant sorti tout droit d’un grenier. C’était pour ainsi dire la IIIème République égarée dans la Vème !
Lors d’un 14 juillet de la fin des années 60, le vieux républicain presque centenaire qui portait sous le soleil d’été sa redingote noire verdie et son feutre au ruban éraillé, constata que le maire ne portait pas sans son écharpe tricolore. Il s’en indigna et m’expliqua les raisons de son indignation. Selon lui, le maire devait arborer les trois couleurs en l’honneur des disparus de la guerre. Sa parole surannée semblait sortir tout droit des lendemains de la Grande Guerre. Je me souviens encore de ses paroles et de leur accent rocailleux : « Comme ça le p’tit enfant demandera à sa mère : « Qu’est-ce qu’il avait Monsieur l’Mairre autour du ventrre avec deux glands ? » et la mère répondra : « Eh bien vouais-tu mon enfant, c’est pour ton pèrrre ou pour ton frrrèrrre qu’est mort à la guerrre ! »
Je garde ce souvenir émouvant qui vaut à lui seul, dans sa vérité naïve, tout un rayon de livres parus à l’occasion du centenaire de 1914. Bien qu’elle ait perdu pour une bonne part la signification tragique que le Père Cahuet lui accordait, l’écharpe est toujours de rigueur. En tricotine démocratique ou en soie véritable, il s’en fabrique toujours des milliers, pas toujours en France, sans doute. Les élections sont un motif d’optimisme pour les fabricants, dans le marasme actuel, voilà un article qui va se vendre. On n’ose imaginer un marché de l’occasion, le Père Cahuet s’en retournerait dans sa tombe !
Si l’on s’écharpe souvent pour l’écharpe, il est plus rare qu’on en plaisante avec bon goût. C’est pourquoi j’ai jugé bon d’ajouter au musée auxonnais de l’écharpe, déjà riche de l’écharpe tragique du Père Cahuet, une écharpe plus légère, digne cependant d’être gardée en mémoire et qui en surprendra sans doute plus d’un(e) !
P.S. : Dans notre article d’hier, nous avions mentionné la présence d’un « trio » d’adjoints. En fait, comme les Trois Mousquetaires, ils étaient quatre ! Il fallait donc lire « quadrette ».
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 21 mars 2014 (J+1920 après le vote négatif fondateur)