AVEC ÉDOUARD À CHARMOY-CITY : RÉFLEXIONS AGRICOLES À L’OCCASION DU SALON - du 23 février 2019 (J+3720 après le vote négatif fondateur)
Je dois vous avouer que, devant le silence méprisant (ou gêné ?) des « cibles » de ma plume, devant l’écho trop confidentiel de mes travaux d’investigation (mentionnons toutefois à ce propos les récentes et excellentes initiatives de vulgarisation de la page facebook « Auxonne Infos, actus et débats » , devant l’indolence désarmante et la paresse intellectuelle de mes concitoyens, je me prends parfois à penser que je gâche mon encre.
Mais cela ne dure jamais longtemps, car je trouve toujours mon réconfort dans la lecture de prédécesseurs illustres. Imaginez même qu’il y a quelques années, j’ai découvert un frère de plume inattendu, sinon à Auxonne, du moins en Bretagne !
En cette année 2014, où l’on décapait au scrapper la terre arable des champs du Charmoy, une lecture attentive de quelques numéros du Soleil de l’Ouest, feuille polémique et décapante d’Édouard Leclerc, a suffi à me redonner du cœur à l’ouvrage.
Merci Édouard !! (N.B. : dans tout cet article, il sera précisément question des textes écrits jadis dans Le Soleil de l’Ouest, sous sa signature ou sous un pseudonyme, par feu Édouard Leclerc, fondateur du mouvement éponyme, et en aucun cas des représentants actuels de ce mouvement).
Quelques mots, tout d’abord, à propos du Soleil de l’Ouest. Il en est fait mention dans Wikipédia ainsi que dans la notice nécrologique « officielle » d’Édouard Leclerc en ces termes : « il lance, en 1973, un magazine, le Soleil de l’Ouest, diffusé dans la région brestoise ». Des journalistes ayant écrit sur le mouvement Leclerc qualifient ce magazine de « feuille de chou » (L. Chavane dans Le phénomène Leclerc p. 31 ; F. Carluer-Lossouarn dans Leclerc : Enquête sur un système p. 122).
Nous avons, quant à nous, consulté avec beaucoup d’intérêt la collection incomplète du dépôt légal de ce magazine conservée à la Bibliothèque de Rennes. Il s’agit certes d’une presse atypique et originale (et introuvable à présent !) avec un caractère pamphlétaire marqué mais, à l’occasion, très roborative, une presse à laquelle le qualificatif de « feuille de chou » ne nous semble vraiment pas adapté ! Des « feuilles de chou » il y en a de pires, y compris de professionnelles ! Mais Monsieur P.F., le Monsieur Pompes Funèbres d’une réflexion de plus de trois lignes avec moins de trois fautes, dirait sans doute que « c’est de la daube » !
Contre toute attente, et toutes proportions gardées, nous avons trouvé dans Le Soleil de l’Ouest un aîné inattendu de Chantecler, car Édouard Leclerc, avec quarante ans d’avance, aborde déjà précisément certains problèmes auxquels nous avons été confrontés dans notre Chantecler et il ne dédaigne pas, non plus, à l’occasion, d’illustrer ses propos acerbes de quelques croquis bien sentis et même de quelques vers !
Aujourd’hui, jour de l’ouverture du Salon de l’Agriculture, nous voudrions mettre à l’honneur quelques propos agricoles de notre Cher Édouard ! De l’inattendu !
Ouvrons Le Soleil de l’Ouest N°2 de Mai 1973. En première page, l’éditorial signé Édouard Leclerc décrit la longue genèse historique du paysage de bocage breton et s’indigne contre sa destruction et « l’acharnement du Génie Rural à remembrer en arasant les talus et les haies ». En conclusion, il interroge : « Va-t-on rendre le Finistère inhabitable pour les quelques pourcentages que reçoit Génie Rural pour l’arasement des talus au cours des remembrements ? Il est vrai qu’il faudra d’autres pourcentages pour les reconstruire. »
Dans l’une des pages suivantes, sous le titre « L’homme peut-il encore choisir ? » et sous le pseudonyme transparent de Jean Corrégou, il acquiesce sans illusion naïve à la prise de conscience, nouvelle encore, en ce début des années 1970, de la nécessité de protéger l’environnement :
« Il y a quelques années, il était presque malvenu de parler d’humanisme […] malvenu de parler du devenir de l’homme rebaptisé « consommateur », comme de parler de la protection de la nature et du monde paysan, malvenu, en résumé, d’avoir d’autre souci que la rentabilité »
« […] Le cycle infernal « Consommer pour produire, produire pour occuper les hommes » semblait engagé pour l’éternité. […] Il ne manquait pas de place pour cela, une fois chassés les paysans ! Le besoin que les citadins ont de la campagne, mais on y avait pensé voyons ! et l’on avait ménagé quelques parcs, aménagé, plutôt, car on n’avait pas oublié que ce serait des « consommateurs » qui s’y promèneraient. Les grandes entreprises agricoles menées par des milliardaires…entreprenants, guettaient la succession, toutes prêtes à produire à coups d’engrais super-actifs, sous la protection d’insectisides [sic] de plus en plus « efficaces », cette viande, ces légumes, ces fruits qui, ainsi que l’écrivait un savant, il y a quelque temps font cher du litre d’eau !
[ N.D.L.R. Nos « consommateurs » locaux, dont une association fut créée ad hoc et ex nihilo (déclaration en préfecture le 18 janvier 2010) pour booster le projet Charmoy, et ses promoteurs en difficulté, jugeront eux-mêmes en quelle grande estime, notre Breton tenait alors le vocable de « consommateurs ]
CHARMOY-CITY 2010, BERCEAU ET MODÈLE DU VOTE D’INITIATIVE CITOYENNE EN ZONE - du 18 décembre 2018
« […] Lorsqu’autour de nous, il nous arrivait d’aborder ce sujet, que de sourires amusés nous répondaient, que de thèses hâtivement construites sur l’impossibilité de renverser la vapeur ! Il est vrai que nos arguments naissaient du seul bon sens, de cette réflexion parfois lente, mais si féconde, mais si sûre, qui caractérise le monde rural et celui des marins »
[ N.D.L.R. Notre Breton aurait été bien déçu, s’il avait pu connaître les « thèses » de représentants supposés du « monde rural », dans notre Conseil municipal, sur la question ! Tel qui selon son biographe, trayait les vaches à douze ans, favorisa naguère le bétonnage de terres agricoles après en avoir assuré discrètement la « maîtrise foncière » aux promoteurs. Mais notre Breton, comme nous, n’était pas dupe du discours des élus comme la suite va nous le démontrer.]
CHARMOY-CITY : UN TRACTEUR POUR LE CHARMOY - du 16 février 2019
« […] le Maire de Brest, par exemple, peut mentir à ses administrés et leur affirmer que leur ville est la plus verdoyante de toutes (mais sans doute parle-t-il du Bois d’Amour et de la jolie campagne de la Cavale Blanche qu’il s’apprête à détruire ?), il ne peut tricher avec le soleil, ni donc avec la vie et ses allées macadamisées et ses tristes zones de jeux gravillonnés sont bien incapables de photosynthèse…À ceux qui comme nous, connaissent Rotterdam ou Kiel, il ose pourtant parler de « politique audacieuse des jardins et des espaces verts [ N.D.L.R. : Combien de fleurs ?]. Nous aurons donc à nous méfier de ceux qui, méprisant l’homme en général, croient encore possible de lui mentir, de l’étourdir de bonnes paroles. »
Vraiment ce Soleil de l’Ouest, il savait bien éclairer là où ça faisait mal !
Il y a quelques années, en une fin de mois d’août diluvienne, je passais sur le Vieux Chemin de Dole au pied d’un chantier. Une sombre plate-forme encaillassée avait remplacé le vert coteau de terre arable et dégorgeait son eau boueuse dans les fossés alentour. Contemplant alors ce triste spectacle – que des gogos et des badauds à courte vue « étourdis de bonnes paroles » venaient admirer – je me suis alors dit :
« Que sont les verts maïs devenus ? Si tu pouvais voir Édouard, mon pauvre Édouard, toi qui vitupérait les « allées macadamisées et [les] tristes zones de jeux gravillonnés » du maire de Brest. Édouard, mon pauvre Édouard, si tu pouvais voir les méfaits qu’on commet sous ton nom ! »
Claudi salue ce vieil Édouard qui, à l’occasion, contre les maires « qui mènent en bateau », savait manier la caricature !
BAS LES MASQUES ! - du 20 FÉVRIER 2015
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 23 février 2019 (J+3720 après le vote négatif fondateur)
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