NAPOLÉONS, PETITS ET GRANDS - du 02 DÉCEMBRE 2015 (J+2541 après le vote négatif fondateur)
Aujourd’hui c’est le 2 décembre, le 2S comme disent les cyrards, et précisément le 2S 210, 210ème anniversaire d’Austerlitz. Le 2 décembre est d’ailleurs une date importante dans l’histoire de la famille Bonaparte d’où sortirent deux Napoléons, le Grand d’abord, et le Petit ensuite.
Le 2 décembre 1805, c’était Austerlitz, ça encore, du moins au sein de notre armée, on s’en souvient. Mais combien de nos contemporains connaissent le 2 décembre 1851, et le cuisant « hommage » que rendit Victor Hugo, dans son ouvrage Napoléon le Petit, à Napoléon III, l’auteur du coup d’état de ce 2 décembre 1851. Le temps a passé, la véhémence indignée du poète exilé ne retentit plus en écho, et nombre d’essayistes et de politiques ont même entrepris, au cours des dernières décennies, la réhabilitation de Badinguet, l’obscur neveu du vainqueur d’Austerlitz et le vaincu de Sedan en 1870. Sédan, comme l’écrit Paul Burani dans sa chanson bouffonne et assassine Le Sire de Fisch Ton Kan.
https://www.youtube.com/watch?v=ARJ42c_Yl14
En 1990, pourtant, Philippe Séguin publie un ouvrage d’apologie et de réhabilitation de Napoléon III, intitulé Louis-Napoléon le Grand (Paris, Grasset, 1990). Le 12 janvier 2010, Bernard Accoyer, président de l’Assemblée Nationale monte à la tribune pour rendre hommage à Philippe Séguin qui vient alors de disparaître ; et dans la foulée il salue la mémoire de Napoléon III !! On imagine bien Victor Hugo, se retournant dans sa tombe à cette occasion, lui qui avait fustigé, dans les premières pages de Napoléon le Petit, le faux serment du Prince-Président, à cette même tribune de l’Assemblée Nationale, le 20 décembre 1848 !
En 2004, l’historien Pierre Milza publie Napoléon III, (Paris, Perrin, 2004). Cet ouvrage brosse, selon le critique André Larané, un portrait équilibré du personnage.
http://www.herodote.net/Une_rehabilitation_meritee-article-200.php
Citons quelques passages de l’article de Larané :
« Homme ordinaire et sans génie, d'un physique plutôt ingrat, il cultive le goût du secret, décide en solitaire et souvent dans l'improvisation. […] Dans les épreuves de jeunesse et par tempérament, Louis-Napoléon Bonaparte a acquis une grande sensibilité aux souffrances des humbles. Il s'est ainsi fait connaître par une brochure à la tonalité très socialisante sur L'extinction du paupérisme ».
Voilà quand même un portrait du neveu bien loin de la légende de l’oncle, Napoléon le Grand. Mais reconnaissons que le portrait du neveu, dans sa banalité triviale, porte en lui quelque chose de plus moderne. Si l’on ajoute à cela les préoccupations d’ordre économique de Napoléon III, jointes au développement ayant accompagné réellement la période de son règne, on comprend mieux le prestige restauré dont jouit aujourd’hui Napoléon le Petit, dans un monde où l’économique tout puissant prime sur le politique inconsistant, où la réflexion historique s’efface devant la préoccupation immédiate, dans un monde, enfin, où le « grand homme » ne semble plus avoir sa place.
Voilà pour la grande histoire. Passons à présent à la petite. Sur le marché d’Auxonne s’alignaient récemment, en colonne tricolore, trois vieilles pétrolettes, censées honorer notre emblème national, emblème célébré par ailleurs sans pruderie, au rayon lingerie, à quelques pas des « meules »
AU MARCHÉ, LES CULOTTES PAVOISENT - du 28 NOVEMBRE 2015
Jadis, la place d’Armes d’Auxonne connut d’autres manifestations moins triviales de notre honneur et de notre fierté nationale. Ainsi, de ce drapeau que les électriciens Gauer et Simonnet, grimpeurs intrépides, accrochèrent au clocher en septembre 1944.
Témoignage moins aérien, mais aussi beaucoup moins éphémère, une statue du jeune Napoléon le grand s’y dresse. Il séjourna à Auxonne, alors qu’il n’était encore que l’obscur lieutenant en second Bonaparte. On trouvera plus de détails sur ce monument dans les deux brochures suivantes :
J. Bernard, Statue de Napoléon Ier à Auxonne, Auxonne, Saunié, 1857
F. Manceaux et P. Poirrier, dir., La statue de Bonaparte à Auxonne, Auxonne, 1995.
Nous voudrions aujourd’hui apporter une petite contribution nouvelle à ces monographies. La statue fut inaugurée le 20 décembre 1857. Mais dans les semaines précédant cette inauguration, on avait eu chaud…
Le 2 décembre 1857, précisément, le préfet adressait à Monsieur Giret, Maire d’Auxonne, une lettre (Archives municipales d’Auxonne K. 1-3). C’est que le Maire d’Auxonne, contre toute attente, venait de mettre le préfet dans un profond embarras en lui annonçant de but en blanc, et à moins d’un moins de la date prévue pour l’inauguration, son intention de démissionner. Homme de cœur, Giret, l’ancien polytechnicien de 1810 et lieutenant d’Artillerie de la Grande Armée, s’était résolu à prendre cette décision pour le moins imprudente en apprenant que l’Empereur n’assisterait pas en personne à la cérémonie. Dans sa longue lettre du 2 décembre, le Préfet usait donc de tout son talent pour l’en dissuader, ce à quoi il parvint.
Par décret du 19 décembre 1857, Jean, Charles, Louis Giret (Chevalier de 1832) était nommé Officier dans l’ordre de la Légion d’Honneur pour prendre rang à dater du même jour (remise à Dijon le 20 février 1858 par le Préfet Baron de Bry).
Ajoutons que Giret avait été un bon maire – les maires étaient nommés et non élus à cette époque – et qu’au cours de son mandat (1852-1860), outre l’érection de la statue, Auxonne avait connu nombre de travaux et d’embellissements.
Les temps ont changé, mais la statue a toujours beaucoup de succès auprès des Auxonnais et des touristes. Et ce succès est parfaitement justifié !
Les touristes se font volontiers photographier devant la statue. Selfie oblige ! Il arrive même parfois que dans la presse on ne rechigne pas à faire des rapprochements passé/présent, toujours un tantinet avantageux pour le présent. Les curieux/ses pourront en découvrir deux exemples notoires en PDF
Bien entendu, les Chantecler et autres vauriens de Zinzins ne manquent pas de se permettre de plaisanter à ce propos. C’est qu’ils sont bien certains, que par les temps qui courent, il n’y a plus aucun risque que quiconque, indigné, démissionne de son poste pour de telles broutilles, au risque de perdre son cher fauteuil !
Après les attentats de Charlie, quand se dressait le « Crayon de la libre expression » (laissez-moi rire !) sur la place, Claudi avait insufflé un peu de vie dans le bronze de l’austère statue du Petit Caporal
En ce 2 décembre, nous renouvelons ce facétieux hommage à celui qui sut porter haut les trois couleurs de façon plus glorieuse, et surtout moins prosaïque, que les nouveaux patriotes de notre France de 2015 !
C.S. Rédacteur de Chantecler,
Auxonne, le 02 décembre 2015 (J+2541 après le vote négatif fondateur)
Publié dans Lieux de mémoire